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Page:Machado de Assis - Mémoires posthumes de Bras Cubas.djvu/302

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dîner les uns chez les autres. Je déclarai à cette occasion que nos réunions souffriraient peut-être quelque interruption, pendant un voyage que j’allais entreprendre dans le Nord. Sabine regarda Cotrim, et celui-ci regarda Sabine. Tous deux tombaient d’accord que ce projet n’avait pas le sens commun. Que diable est-ce que j’allais faire dans le Nord ? C’était dans la capitale, en pleine capitale que je devais briller parmi les jeunes hommes de ma génération. En vérité, aucun ne pouvait se comparer à moi. Lui, Cotrim, ne me perdait pas de vue, et en dépit d’une brouille ridicule, il avait toujours considéré mes triomphes avec intérêt et avec joie. Il écoutait ce que l’on disait à mon égard dans les rues et dans les salons, un concert de louanges et d’admiration. Et j’irais m’enterrer en province, inutilement, pendant de longs mois. À moins qu’il ne s’agît de politique.

— Justement, répondis-je.

— Même en ce cas, dit-il au bout d’un instant.

Et après un nouveau silence ;

— Quoi qu’il en soit, nous t’attendons aujourd’hui à dîner.