Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/100

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nuit, et les longues courses de la veille. Il s’étendit dans le hamac, prit un des feuilletons, la Princesse Madeleine, et se mit à lire. Il ne pouvait s’expliquer pourquoi toutes les héroïnes de ces vieilles histoires avaient le visage et la taille de dona Severina ; mais il en était ainsi. Au bout d’une demi-heure, il laissa tomber les feuillets sur la table, et fixa la muraille, d’où il vit, cinq minutes plus tard, sortir la dame de ses rêves. Il eût été naturel qu’il s’étonnât. Il n’en fut rien. Bien qu’il eût les paupières abaissées, il la vit se détacher tout à fait, s’arrêter, sourire et se diriger du côté du hamac. C’était elle-même, c’étaient vraiment ses bras.

Il est certain cependant que dona Severina ne pouvait sortir de la muraille, même en admettant qu’il s’y trouvât quelque fente ou quelque porte, attendu qu’elle se trouvait alors dans le salon du devant, en train d’écouter les pas du procureur qui descendait l’escalier. Elle l’entendit descendre. Elle se pencha à la fenêtre, le vit sortir et ne rentra qu’après qu’il se fût perdu au loin, dans la direction de la rue das Mangueiras. Elle alla s’asseoir sur le canapé. Elle paraissait hors d’elle-même, inquiète, affolée.