Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/207

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pour ne rien dire, sans s’arrêter, content et prodigue de sa langue. Mais le diable l’interrompit :

— Rien de tout cela ; il ne s’agit ni d’aller au fond de la mer, ni dans les entrailles de la terre, mais simplement dans le jardin de délices où vivent Adam et Ève.

— Adam et Ève ?

— Oui, Adam et Ève.

— Deux belles créatures, que nous vîmes naguère marcher droites et sveltes comme des palmiers.

— Justement.

— Eh bien, je les hais !… Adam et Ève ? Non, non, envoie-moi où tu voudras, mais pas là. Je les déteste ; leur vue seule me fait souffrir. Voudrais-tu que je leur fisse du mal ?

— Précisément.

— En vérité ? alors je suis prêt. Je ferai tout ce qu’il te plaira, mon seigneur et père. Allons, dis vite ce que tu veux que je fasse. Que je morde Ève au talon ?… je la mordrai…

— Non, interrompit le Malin. Je veux justement le contraire. Il y a dans le jardin un arbre qui est celui de la science du bien et du