Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/219

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souffrait d’anévrisme, de rhumatisme, et de trois ou quatre affections moindres. Il avait près de soixante ans, et depuis son enfance on lui tolérait toutes ses fantaisies. S’il n’avait été que bourru, passe encore ; mais il était surtout méchant ; il se délectait à la douleur et à l’humiliation d’autrui. Au bout de trois mois, j’étais à saturation ; je résolus de battre en retraite, et n’attendis qu’une occasion.

Elle ne tarda pas à se présenter. Un jour que je tardais à le frictionner, il prit sa canne, et m’en donna deux ou trois coups. Il n’en fallait pas plus. Je pris immédiatement congé, et j’allai faire ma malle. Il vint dans ma chambre, me supplia de rester, de ne pas me fâcher d’une acariâtreté de vieux. Il insista tant que je restai.

— Je ne tiens qu’à un fil, Procopio, me dit-il dans la soirée ; je ne saurais vivre longtemps. J’ai un pied dans la tombe. Tu suivras mon enterrement, Procopio ; je ne t’en dispense sous aucun prétexte. Tu iras prier sur ma tombe. Si tu n’y vas pas, ajouta-t-il en riant, je reviendrai te tirer la nuit par les pieds. Crois-tu aux revenants, Procopio ?

— Allons donc !