une lointaine bourgade. Pour comprendre quel était mon isolement, il suffit de savoir que je ne recevais même pas les journaux ; à part une nouvelle importante, qu’on rapportait par hasard au colonel, j’ignorais tout du reste du monde. Je pris donc la résolution de revenir à Rio à la première occasion, même si je devais me fâcher avec le vicaire. Il est bon de dire, puisque je fais une confession générale, que, ne dépensant rien, et ayant gardé tous mes gages, je mourais d’envie de venir les dépenser ici.
Il était à prévoir que l’occasion se présenterait. Le colonel allait de mal en pis. Il fit son testament, en injuriant le notaire presque autant que moi-même. Il me traitait chaque fois plus durement ; les moments de répit, pendant lesquels il était tranquille et doux, s’espaçaient de plus en plus. J’avais alors perdu la faible dose de pitié qui me faisait oublier les excès du malade. Je portais en moi un ferment de haine et d’aversion. Au commencement d’août, je résolus définitivement de partir. Le vicaire et le médecin, se rendant à mes raisons, me prièrent seulement de différer encore un peu mon départ. Je leur donnai un mois de délai.