on s’adressait à lui. On en avait assez de la farandole des anecdotes, des plaisanteries sans sel, et on le sollicitait pour qu’il fît entendre quelque chose de correct et de grave. Il promena ses regards sur l’assistance, et rencontra tous les regards anxieux. Tous, non ; ceux de Jeannette se portaient dans la direction de Queiroz, et ceux de Queiroz venaient les attendre à moitié route, dans une chevauchée de promesses. Rangel pâlit. La parole s’étouffa dans sa gorge ; mais il fallait parler, on attendait, avec sympathie, en silence.
Il fut au-dessous de l’expectative. Il but à la santé du maître de la maison et à celle de sa fille. Il appela celle-ci une pensée divine transportée de l’immortalité dans la réalité ; trois ans auparavant, il avait employé la même phrase ; elle devait être oubliée. Il parla aussi du sanctuaire de la famille, de l’autel de l’amitié, et de la gratitude, qui est la fleur des cœurs purs. La phrase, quand elle n’avait pas de sens, était plus spécieuse et plus sonore. Ce fut en tout un discours de dix minutes bien comptées, qu’il expédia dans la moitié du temps. Après quoi, il s’assit.