Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/253

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Et ce ne fut pas tout, Queiroz se leva deux ou trois minutes après, pour porter un autre toast ; et le silence fut encore plus rapide et plus complet. Jeannette baissa les yeux sur son corsage, anxieuse de ce qu’il allait dire ; Rangel eut le frisson.

« Monsieur Rangel, dit-il, l’éminent ami de la maison, a bu à la santé de deux personnes dont le nom est celui du saint patronymique de cette journée. Je bois à la santé de celle qui est la sainte de tous les jours ; à dona Adélaïde. »

De grands applaudissements accueillirent ces paroles, et dona Adélaïde, flattée, reçut les compliments de tous les convives. Sa fille ne s’en tint pas aux félicitations. « Maman ! maman ! » s’écria-t-elle en se levant. Et elle alla l’embrasser trois ou quatre fois. C’était une façon de lettre destinée à être lue par deux personnes.

Rangel passa de la colère au désespoir ; et aussitôt après le souper il eut envie de s’en aller. Mais l’espérance, démon aux yeux verts, lui conseilla de rester, et il resta. Qui sait ? ce pouvait être un feu de paille, une amourette de la Saint-Jean, l’affaire d’une nuit. Après tout, il