Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/335

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autre viendra, meilleure, faite non plus de boue, mais de la lumière elle-même. Homme ! le dernier de tous, la plèbe des esprits périra pour jamais ; l’élite seule reviendra sur la terre pour régir ses destinées. Les temps sont épurés. Le mal va finir ; les vents ne transporteront plus les germes mortels, ni les clameurs des opprimés, mais seulement les cantiques de l’éternel amour, et la bénédiction de l’universelle justice.

Ahasvérus. — Que peut faire à l’espèce qui va mourir avec moi tout ce délice posthume ? Crois-m’en, toi qui es immortel, la pourpre de Sidon vaut bien peu de chose pour les ossements qui se pulvérisent dans la terre. Ta fantaisie surpasse le rêve de Campanella. Sa cité idéale comportait encore des maladies et des crimes ; la tienne exclut toutes les infirmités physiques et morales. Dieu t’entende ; mais permets que j’aille mourir.

Prométhée. — Va, va. Mais d’où te vient cette hâte d’en finir avec la vie ?

Ahasvérus. — C’est celle d’un homme qui a vécu des milliers d’années. Oui, des milliers d’années. Des êtres qui n’ont respiré que pendant