Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/345

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Ahasvérus. — Titan artificieux ! tu me trompes… roi, moi ?

Prométhée. — Toi-même. Et qui serait-ce, sinon toi. Le monde nouveau doit être relié par une tradition au monde ancien, et personne ne saurait parler de l’un à l’autre comme toi. Il n’y aura donc point d’interruption entre les deux humanités. Le parfait procédera de l’imparfait, et la bouche lui contera ses origines. Oui, tu narreras devant les nouveaux hommes tout ce que les temps révolus ont connu de mauvais et de bon. Tu revivras comme l’arbre dont on a coupé les branches sèches, pour ne laisser subsister que les vertes ; mais ici, la verdeur sera éternelle.

Ahasvérus. — Vision lumineuse ! moi-même ?…

Prométhée. — Toi-même.

Ahasvérus. — Ces yeux, ces mains… vie nouvelle et meilleure… Vision de splendeur et de justice. Car enfin, si la peine fut méritée, la rémission glorieuse de mon péché ne l’est pas moins. Je vivrai… moi-même, d’une vie nouvelle et meilleure ? Mais non, tu te moques de moi.

Prométhée. — Abandonne-moi donc. Tu re-