Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/95

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contre le compère, contre son filleul qui n’allait pas encore au collège à l’âge de dix ans. Lui, Borges, à dix ans, savait lire, écrire et compter : pas très bien, peut-être, mais enfin, il savait. Dix ans ! il lui prédisait un bel avenir. Pour les paresseux, il ne connaissait qu’un remède : le sac au dos. On apprend à vivre en couchant à la dure.

Dona Severina cherchait à le calmer en alléguant la pauvreté de la commère, la malchance du compère, d’une façon caressante, de peur de l’irriter encore davantage. La nuit était tombée tout à fait ; elle entendit le « tlic » du réverbère qu’on venait d’allumer dans la rue, et vit le reflet sur les fenêtres de la maison voisine. Borges, fatigué de sa journée, car c’était vraiment un travailleur acharné, ferma les yeux et s’endormit, la laissant seule dans la salle obscure, avec la découverte qu’elle venait de faire.

Tout paraissait indiquer à la dame qu’elle ne se trompait pas. Mais le premier étonnement passé, sa découverte la jeta dans un désarroi moral dont elle connut seulement les effets, sans en pouvoir discerner l’origine.

Ne sachant comment se reprendre et s’équi-