Aller au contenu

Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

librer, elle en arriva à la pensée de tout dire au procureur, en lui laissant le soin de renvoyer le gamin. « Et puis après ? » Il lui était bien permis d’hésiter : elle ne formait que des suppositions, et ne trouvait que des coïncidences, qui pouvaient bien l’induire en erreur. Mais non, elle ne s’illusionnait pas. Et aussitôt elle se remémora les indices vagues, les attitudes du jeune homme, sa gêne, ses distractions, pour bien rejeter l’idée de s’être fourvoyée. Peu après, capricieuse nature, réfléchissant qu’il serait mal d’accuser sans motif, elle admit qu’elle s’était trompée, seulement pour se donner le temps de mieux observer, et de s’assurer de la réalité des choses.

Cette nuit-là même, dona Severina regarda en dessous les gestes d’Ignace ; mais elle ne découvrit rien. Le temps consacré à prendre le thé était court, et le jeune homme ne leva pas les yeux de sur sa tasse. Le jour suivant, elle l’observa mieux, et les autres, tout à fait bien. Elle vit que vraiment elle était aimée et crainte, d’un amour vierge d’adolescent, retenu par les préjugés sociaux, et par un sentiment d’infériorité qui l’empêchait de s’avouer la vérité à lui-