Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/98

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pourtant, il dut partir, et pour toujours. Voici comment et pourquoi.

Dona Severina le traitait depuis quelques jours avec bénignité. C’en était fait de la rudesse de sa voix ; elle y mettait plus que de la douceur, il en émanait de l’intérêt et de la tendresse. Un jour, elle lui recommandait de fuir les courants d’air ; un autre, de ne pas boire de l’eau froide sur le café chaud, conseils, pensées, soins d’amie et de mère, qui jetèrent dans l’esprit du jeune homme encore plus d’inquiétude et de confusion. Ignace s’émancipa jusqu’à rire un jour à table, ce qu’il n’avait jamais fait jusqu’alors. Cette fois, le procureur ne le rabroua pas, parce qu’il était en train de raconter une histoire drôle, et que personne ne se fâche d’être applaudi. Dona Severina remarqua alors que la bouche du jeune homme, gracieuse quand il se taisait, ne l’était pas moins dans le sourire.

L’agitation d’Ignace allait croissant, et il ne pouvait ni se calmer, ni comprendre son état. Il ne se trouvait bien nulle part. Il s’éveillait, la nuit, en pensant à dona Severina. Dans la rue, il se trompait aux carrefours, passait