Page:Madame de Mornay - Memoires - tome 1.djvu/142

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souverain, y donnast seureté à tous les Théologiens de l’Europe, tant d’une que d’autre confession, les deffrayast en leur voyage, en fist attacher les proclamatz, mesmes à Rome et en Espagne, etc., dont s’ensuivroit, s’ilz y venoient, que la vérité seroit connue de son peuple, par la méthode qu’il prétendoit enseigner au dit sr Roy ; s’ilz refusoient, qu’il auroit matière de s’excuser envers le Roy et son peuple de se déguouster du mensonge. Quelques confidences mondaines l’en destournèrent, alléguans aucuns qu’il estoit trop foible Prince pour embrasser cela ; luy, au contraire, que le duc de Saxe, Jeans Frédéric[1], en la face d’un Empereur et en un temps plus périlleux, avoit faict plus.

Au milieu de sa maladie, partie la peste qui prit à son logis, partie le plaisir de changer d’air, le tira d’Anvers, d’où ceux de Guand le vinrent quérir pour le mener en leur ville, et nous meublèrent un très beau logis exprès. Là[2], dès qu’il commença à estre mieux, il remit la main à la continuation de son livre, lequel quelque temps après, il acheva à Anvers. Or pendant tout ce temps je ne fus pas sans affliction, moy mal-saine, luy en danger, nostre famille en pays estrange, nos affaires domestiques en France fort descousuz, pressés de debtes en Angleterre et en Flandres, qu’il nous avoit convenu faire pour les affaires publiques. Touteffois, Dieu me donna toujours et patience et soulagement, et me suscita des moïens et des amys. Tellement que, sans

  1. Jean Frédéric de Saxe, en face de Charles-Quint.
  2. Le manuscrit de la Bibliothèque impériale et l’édition de M. Auguis portent « aussy tost qu’il commencea… »