Page:Magasin d education et de recreation - vol 16 - 1871-1872.djvu/180

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— Des gnomes, répète Édouard.

— Tu ne sais pas ce que c’est ?

— Si, j’ai lu des contes où il y en a ; de tout petits hommes, ou plutôt des lutins qui vivent dans la terre. Mais ce sont des contes.

— Ah ! tu crois que ce sont des contes. Mais alors tu es pire que saint Thomas ! Ouvre donc tes oreilles. Tu Îles entends bien parler ? »

En effet, à ce moment, les petites voix recommençaient à faire entendre leur timbre argentin, et ces mots arrivèrent distinctement à l’oreille des deux écoliers.

« Nous les ferons frire pour le souper !

— Diable ! s’écrie Charles, d’un air effrayé, mon cher, ceci devient grave. Il est évidemment question de nous. Les gnomes sont irritables et n’aiment pas à être dérangés. Nous avons secoué leur cheminée. Sauvons-nous. Fuyons, la poêle est le sort affreux qui nous menace ! Viens ! »

Et il prit la fuite, espérant entraîner Édouard et pouvoir se moquer de lui, en disant qu’il avait eu peur.

Mais Édouard ne donna point dans le piége et garda, nous devons le constater, toute la dignité d’un fils de la science, en face d’un phénomène inexpliqué. Il va sans dire qu’il ne croyait pas un mot des facéties de son camarade. Mais ne comprenant rien à l’aventure, il ne pouvait revenir de sa surprise. Évidemment le bloc de maçonnerie était creux. Ce devait être une cheminée. Mais une cheminée qui sort d’un champ, n’est-ce pas extraordinaire ?

Édouard jeta les yeux autour de lui. Il n’y avait pas là de coteau, la cheminée était à quinze mètres du chemin, et le champ d’où elle sortait, comme un champignon sort de la terre, semblait tout uni, sauf, à peu de distance, une légère infléchissure, garnie d’arbrisseaux touffus et emmélés. Il n’y avait point là de carrière, et il ne pouvait pas y avoir d’habitation.

À ce moment, Édouard entendit un miaulement près de lui, et, se retournant, il vit un chat noir, aux yeux de feu, qui le regardait, en levant la queue, d’un air observateur et défiant.

« Bon ! dit Édouard tout haut, si ce ne sont pas les gnomes, au moins c’est leur chat. Minet ! Minet ! »

Et il s’avança vers l’animal et voulut le prendre ; mais le chat recula du côté du tas de broussailles, puis s’arrêta et se mit encore à contempler le petit garçon.

« Oh ! je te prendrait » dit Édouard.

Il s’approcha lentement, parlant à Minet d’une voix doucereuse ; et, tout à coup étendant la main vivement, il faillit presque Île saisir, mais attrapa seulement le bout de la queue. Le chat fit un juron effroyable, égratigna Édouard, qui le lâcha et sauta dans les broussailles.

« Vilaine bête ! » cria Édouard, tout en colère. Et voulant se venger du chat, ou tout au moins lui faire peur, il courut après. Il posait le pied sur les broussailles, quand la terre lui manque ; il se sent précipité dans le vide, essaye vainement de s’accrocher quelque part, tombe rudement sur des branches qui craquent et se brisent, rebondit, tombe encore, et s’arrête après un choc plus rude, qui le laisse un instant sans Souffle et tout étourdi.

Bientôt cependant Édouard rouvre les yeux. Au-dessus de sa tête est le ciel bleu ; autour de lui, des parois de tuf excavées, couronnées par les broussailles, et, tout proche, deux petits êtres qui ne ressemblent pas mal à des gnomes, et qui le regardent avec des yeux effarés.

« Eh ! bon dieu ! le pauvre garçon ! Jean ! Jean ! viens-t’en vite ! »

C’était la voix d’une femme, qui s’approche, se penche sur Édouard, en poussant des exclamations nouvelles, s’éloigne et