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Page:Magasin d education et de recreation - vol 17 - 1872-1873.djvu/255

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Mais il avait tant à dire à ses parents qu’il ne pouvait ressentir longtemps l’indifférence de Minette. Il avait tant à dire que tout venait à la fois, qu’il mêlait un peu tout ensemble, que les digressions emportaient tout le récit, et que les noms de Victor, de Jules, d’Amine, de M. et Mme Ledan, etc, s’embrouillaient les uns dans les autres, sans qu’on pût bien savoir ce qui appartenait à celui-ci ou à celui-là ; car Édouard avait pour ainsi dire apporté avec lui toute la colonie de Trèves, ces chers amis qu’il avait quittés avec tant de regrets pour revenir aux siens avec tant de joie.

Adrienne de son côté avait fort à dire, à montrer, à expliquer ; le moindre objet nouveau provoquait une question d’Édouard.

« Quoi ! ce ne sont plus les mêmes vases de fleurs !

— Non, ceux-ci sont un cadeau de notre cousine, et les autres ont été portés sur la cheminée de maman.

— Et cette petite boîte ?

— Ah ! c’est un échange que j’ai fait avec Hélène. »

Suit l’histoire d’un malentendu très-drôle, et puis des explications sur des changements survenus dans cette famille, et, de proche en proche, sur d’autres. Eugène est maintenant très-sage. Il a eu des prix. Laure a chanté dans tel concert. Le petit Paul a beaucoup grandi.

« Tiens ! ce n’est plus le même coussin qu’a Minette. »

— Non, il était si vieux ! C’est moi qui lui en ai fait un autre, et alors, dès qu’il a été posé sur la chaise, Minette, qui est coquette et petite-maitresse, s’est mise à le flairer, à le manier, à le toucher de sa patte, puis elle m’a regardée comme pour me remercier ; elle a bâillé longuement, puis s’est couchée dessus d’un air ! on eût dit une dame du grand monde.

— Tiens ! ce petit panier de paille, qui est-ce qui te l’a donné ? |

— Ah ! c’est la pauvre petite Lina ! »

Et l’histoire de la pauvre petite Lina est racontée.

Ce sont enfin deux mondes inconnus, vieux chacun de six mois, qui se heurtent, se mêlent, en aspirant à se confondre dans les mêmes cœurs, avec toutes leurs impressions, douces ou tristes, mais sincères et vives. Oui, ce furent de beaux jours, frais, savoureux, pleins à déborder, et pendant lesquels Édouard oublia tout, moins le bonheur d’aimer et d’être aimé.

Cependant, quand tout fut à peu près dit de part et d’autre, quand l’enfant exilé eut parcouru tous les coins et recoins de la chère maison et repris possession de toute chose, le calme se fit, et l’on commença à Se souvenir qu’il y avait d’autres êtres dans le monde ; qu’on avait des amis, qu’il y avait longtemps qu’on n’avait vu telles et telles personnes, et qu’Édouard devait accompagner dans telles maisons sa mère et sa sœur. Alors, de nouveau, Édouard se sentit troublé. Le nom de Mme À., celui de M"* L. lui rappelèrent certaines froideurs… Et chez M. C., hélas ! un affront si grave ! La tristesse et la honte des souvenirs lui faisait redouter ces visites. Il n’osa point cependant s’y refuser. Quel motif alléguer ? C’eût été rappeler davantage. Vis-à-vis de sa mère elle-même, Édouard eût souffert de dire un seul mot à ce sujet.

Il retourna donc chez tous les amis de sa famille, où il avait aussi ses amis à lui, des enfants de son âge, le cœur à demi craintif, à demi joyeux, car il y a toujours un charme à revoir, après un long temps, des compagnons de jeux, des amis d’enfance, même de simples connaissances, et même un peu des indifférents.:

Assurément, Édouard fut reçu avec politesse; mais il ne put se méprendre à la