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CONCURRENTS OU MYSTIFICATEURS

amis n’entendirent pas ce qu’ils décidèrent pour leur expédition. Dès qu’ils eurent achevé de dîner, Arthur supplia Charles de partir à l’instant même pour Dol.

« Je parie que ce sont des concurrents… Tu vois, ils vont arriver avant nous, et s’ils allaient mettre la main sur le trésor !… Oh ! je t’en prie, Charles, partons. Il n’y a que vingt-trois kilomètres de Saint-Malo à Dol, nous pouvons les franchir rapidement. Il est huit heures et demie : avant dix heures nous serons à Dol et nous…

— Nous ne verrons rien du tout… Eux non plus, du reste, s’ils y vont. Cette idée est absurde.

— Pas du tout. Nous allons ce soir à Dol. Nous y couchons et, demain, à l’aube, bien avant nos concurrents, nous saurons si oui ou non le trésor est dans ces parages. »

Ces considérations finirent par ébranler Charles. Après tout, Arthur avait raison, il fallait arriver les premiers au Mont Dol et le seul moyen était de partir sur-le-champ.

« Eh bien, oui… c’est peut-être mieux… Filons dès ce soir. Mais n’éveille pas l’attention. Nous laissons nos bagages ici. Je vais dire au bureau de l’hôtel que nous partons pour une excursion et prier qu’on nous les garde. Nous prenons seulement nos bicyclettes.

— Entendu. Dépêchons-nous… Allons un peu nous promener près de la mer, » ajouta Arthur à haute voix, pour dépister tout soupçon.

Charles et Arthur prirent leurs bicyclettes dans le garage de l’hôtel, et sautèrent sur leurs machines. Charles avait une carte de la région et son Guide Bleu dans sa poche ; il trouva immédiatement la route qui conduit à Dol et il s’y engagea résolument.

« Pédalons ferme », cria-t-il à Arthur.

Tous les deux trouvaient fort drôle cette sorte de fuite.

Il faisait encore jour, mais les nuages au loin, sur l’horizon, donnaient une teinte sombre à la mer dont Les vagues venaient mourir sur le rivage avec un bruit sourd. Nos deux voyageurs quittèrent bientôt les bords de la mer pour pénétrer dans le pays.

Arthur, contre son habitude, restait silencieux. Il ne songeait qu’à augmenter sa vitesse, car la nuit allait bientôt venir. Charles, que cette course excitait, se mit au contraire à causer.

« Nous allons passer à La Gouesnière, près du château de Bonaban qui date du xviiie siècle. »

Mais Arthur, qui pédalait avec rage, fit à peine attention à ce que lui disait son ami.


les convives d’une table voisine attirèrent l’attention
de charles.

Le ciel s’assombrissait peu à peu. Au loin, quelques mouettes sillonnaient le ciel, comme pour s’enivrer d’espace avant de se reposer dans les creux de rocher, pendant la nuit. Parfois un cri subit d’oiseau, appel éperdu d’une mère ralliant ses petits, s’échappait d’un arbre solitaire, que nos coureurs dépassaient rapidement. La route était déserte ; on aurait dit que bêtes et gens s’endormaient sur la terre entière. À La Gouesnière, quelques paysans se tenaient encore sur le devant de leurs portes, mais ils ne firent pas attention aux deux bicyclistes qui reprirent toute leur vitesse dès qu’ils furent en plein champ. Le pays devenait plus triste ; une vaste plaine à moitié cultivée, à moitié marécageuse, s’étendait à perte de vue : des ajoncs, des bruyères et des rochers, voilà tout ce que l’on apercevait autour de soi.

« Il faudrait allumer nos lanternes, dit Charles, tout à coup.

— Oui, car si nous rencontrions des gendarmes, nous aurions des contreventions. »