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LE TRÉSOR DE M. TOUPIE

pittoresques du pays. » Le voyageur s’arrêta pour respirer.

« Est-ce un beau site, Saint-Savin ? demanda Charles.

— Oh ! merveilleux, un panorama immense, des arbres splendides, des…

— Vous connaissez bien l’endroit ?

— Moi, pas du tout, je n’y suis jamais allé !… »

Qu’aurait-il dit, alors, s’il avait été à Saint-Savin ?


les deux amis débarquèrent à tarbes.

Mais Charles ne le questionna pas davantage. Il ne voulait pas attirer l’attention sur leur voyage.

« Je suis représentant de commerce, continua le voyageur, comme si on lui avait demandé quelle était sa position sociale : c’est pour cela que je sais quels sont, dans chaque ville, les meilleurs hôtels, les mets réputés, les meilleurs vins. Ainsi, à Tarbes, si vous dînez chez Coumetou, vous boirez un de ces petits bordeaux… je ne vous dis que ça !… Maintenant, si vous préférez les gâteaux, allez chez Augé, rue des Grands-Fossés : il paraît qu’à cent lieues à la ronde on ne trouve pas de babas plus savoureux et de crèmes plus moelleuses. Je dis cela, non pas d’après ma propre expérience, car… moi… les douceurs… peuh ! je préfère le foie gras. »

Son discours aurait continué encore longtemps si le train n’était entré en gare.

Charles et Arthur prirent leurs valises, descendirent de wagon et se dirigèrent immédiatement vers les bagages afin de retirer leurs bicyclettes. Ils y retrouvèrent leur compagnon de voyage qui réclamait avec beaucoup de cris et d’exclamations ses grandes malles noires de commis voyageur, garnies de cuivre aux angles.

C’étaient des cris joyeux, des tapes sur les épaules des porteurs, des appels s’adressant à des gens qui attendaient à l’autre bout de la salle. Puis, le voyageur relevait son chapeau d’une main, et s’essuyait le front de l’autre en soupirant :

« Quelle chaleur, mes amis, quelle chaleur ! »

Ses amis, c’étaient tous les assistants.

Ces scènes amusaient follement Arthur, qui n’en perdait aucun détail.

En possession de leurs bicyclettes, les deux amis se dirigèrent vers les omnibus alignés, comme dans toutes les gares du monde, le long des trottoirs, devant la sortie.

« À l’Isard !

« Bellevue !

« La Concorde !

« Au Pic du Midi ! »

Tels furent les noms qui assaillirent Charles et Arthur au moment où ils parurent. Tous les porteurs criaient à la fois, en riant, puis, tout à coup, ils se lançaient quelques injures parce que l’un d’eux avait réussi avant l’autre auprès d’un client : mais l’accès de colère ne durait qu’un instant, et bientôt tout le monde causait en plaisantant, comme s’il ne s’était rien passé.

« Allons à l’Isard, dit Arthur, puisque c’est un bon hôtel.

— Si tu veux. »

Le porteur, qui se tenait prés de nos voyageurs, n’eut pas besoin de recevoir un ordre : avant que Charles eût dit un mot, les bicyclettes étaient sur l’impériale de l’autobus, les sacs dans