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DANS L’AUTOMOBILE JAUNE

l’intérieur et Charles et Arthur poussés sur les banquettes.

« Au moins, dans ce pays, ils sont expéditifs et on ne perd pas son temps, dit Arthur.

— Oui… on va vite… »

En effet, l’autobus marchait à une rapide allure dans la rue qui conduisait de la gare à la place Maubourguet où se trouvait l’hôtel de l’Isard.

Enfin, l’autobus s’arrêta ; tandis que l’on déchargeait les bagages, Charles s’écria :

« Mais une des bicyclettes n’est pas à nous !… Voici la mienne… Arthur !… Arthur !… Regarde, ce n’est pas ta bicyclette !

— Qu’est-ce qu’il y a ? Tu as une figure consternée !

— Je te dis qu’on a changé ta bicyclette.

— Tu en es sûr ?

— Mais oui, je t’en prie, occupe-toi donc un peu de tes colis. »

Charles laissait voir son mécontentement ; l’hôtelier, qui s’était avancé pour recevoir les voyageurs avec un sourire qui remontait sa bouche d’un côté jusqu’à son oreille, changea subitement de visage et sa bouche remonta de l’autre côté dans une assez laide grimace.

« Messieurs ! Messieurs ! Ce fait est inadmissible ! Qui a changé cette bicyclette ? Mon porteur est sûr et les bicyclettes qu’il a reçues de vos mains sont celles qui se trouvent ici…

— Ça, c’est exact, interrompit Arthur, car je me rappelle maintenant que, pendant que nous hésitions sur le choix de l’hôtel, je tortillais ce petit bout de corde, là… qui pend…

— Pourquoi n’en as-tu pas fait la remarque à ce moment ? s’écria Charles un peu agacé.

— Parce que je regardais ces gens qui s’agitaient et couraient en tous sens dans la gare.

— Messieurs ! Messieurs ! On la retrouvera, votre bicyclette… Ici, nous sommes tous d’honnêtes gens. Antonin, cours à la gare (l’hôtelier s’était tourné vers un garçon qui, avec tout le personnel de l’hôtel de l’Isard, entourait Charles et Arthur) et rapporte la bicyclette… la vraie… l’authentique… Arrange-toi comme tu pourras, mais ne reviens pas les mains vides. »

Le nommé Antonin lança à un camarade, avec un geste de clown, la serviette qu’il avait autour du cou et partit au pas de course.

« Messieurs, ne vous inquiétez pas… Veuillez choisir votre chambre et… après… le dîner vous attend.

— J’ai une faim ! » s’écria Arthur dont nul événement, même tragique, ne troublait l’appétit.


le garçon accourut.

Ils s’assirent tous les deux dans la salle à manger, à une petite table. Le patron de l’hôtel, sans doute pour effacer le souvenir du fâcheux incident, servit à ses nouveaux pensionnaires non seulement un repas excellent, mais un vin exquis.

« Apprécie donc ce bordeaux ! s’écria Arthur en regardant la figure soucieuse de Charles.

— Mais songe donc, si ta bicyclette est perdue !…

— Bah ! elle n’est pas perdue… et d’ailleurs, elle le serait…

— Mais tu es fou ! répondit Charles scandalisé.

— Calme-toi… J’enverrais une dépêche à papa, et il m’expédierait l’argent nécessaire à l’achat d’une autre bicyclette… Tu sais, il m’est arrivé une chose bien plus drôle. Une fois… à Paris… Qu’est-ce que tu as ? Tu ne m’écoutes pas ? »