299. saint-barthélemy, 24 août 1572. — Peut-être alors les protestants crurent-ils qu’on avait prémédité leur ruine, et qu’on ne les avait réunis tous à Paris que pour les exterminer plus facilement ; ce qui n’est pas démontré. Peut-être laissèrent-ils échapper des paroles de vengeance, et songèrent-ils à se défendre en tramant quelque conspiration. On le fit croire du moins au jeune roi ; on lui représenta que son autorité, que sa vie même exigeait un grand coup, et qp’il fallait frapper ce coup à l’improvisle, afin de ne laisser échapper aucune victime. Il finit par céder à ces fatales et incessantes obsessions. « Par la mort-Dieu ! s’écria-t-il, égaré sans doute par la frayeur, tuez-les donc ; mais tuez-les tous, et qu’il n’en reste pas un pour me le reprocher. » Dans la nuit du 21 août sur les deux heures du matin, au son de la cloche de Saint-Germain-l’Auxerrois, Henri de Guise commença le massacre en faisant égorger Coligny, qu’il avait toujours affecté de regarder comme l’assassin de son père. « Alors, dit un historien, on n’entendit plus qu’un cri : Tue ! tue ! La plupart des protestants furent surpris dans leurs lits. Un gentilhomme fut poursuivi, la hallebarde dans les reins, jusque dans la chambre et dans la ruelle de la reine de Navarre… Le lendemain, une aubépine ayant refleuri dans le cimetière des Innocents, le fanatisme fut ranimé par ce prétendu miracle, et le massacre recommença. » Le roi fit venir dans son cabinet Henri de Navarre, son beau frère, et le prince de Condé, et les somma de choisir entre la messe ou la mort, les deux princes ne sauvèrent leur vie qu’en abjurant. Par ordre de la cour, le carnage s’étendit aux provinces ; mais quelques gouverneurs eurent le courage de désobéir. Celui de Bayonne, le vicomte d’Orthez, écrivit au roi : » Sire, j’ai communiqué le commandement de Votre Majesté à ses fidèles habitants et gens de guerre de la garnison ; je n’y ai trouvé que de bons citoyens et de braves soldats, mais pas un bourreau. C’est pourquoi, eux et moi, supplions très-humblement Votre Majesté de vouloir employer nos bras et nos vies en choses possibles ; quelque hasardeuses qu’elles soient, nous y met-