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le Bugey, le Valromey et le pays de Gex, situés sur les limites des deux pays[1]. Henri IV reprit alors son œuvre de restauration. Mais le bien qu’il faisait, la sollicitude constante qu’il montrait pour le peuple et pour la France ne désarmèrent pas les partis. Des complots et des attentats menacèrent plusieurs fois sa vie. Les complots étaient les derniers efforts des passions mal éteintes ou des ambitions déçues. Celui qui affligea le plus son âme généreuse fut la conspiration du maréchal de Biron, qu’il avait comblé de preuves d’amitié en mémoire des services de son père. Biron s’était entendu avec le duc de Savoie et l’Espagne pour démembrer la France. Henri IV, décidé à lui pardonner, essaya vainement de lui arracher un aveu de sa trahison ; il fut obligé de le livrer à la justice du Parlement, qui le condamna à mort (1602). Les attentats furent plus nombreux encore que les conspirations ; on en compte jusqu’à dix-huit, commis par des insensés ou des fanatiques. Nous ne signalerons ici que ceux de Jean Châtel et de Barrière.

322. projet de henri iv. — Cependant ni les complots ni les attentats ne détournaient le roi d’une grande pensée, qui devait compléter son œuvre. Par ses soins, la France était devenue l’arbitre de l’Europe ; il voulait qu’elle en fût la libératrice, qu’elle l’affranchit de cette domination que faisait peser sur elle la maison d’Autriche. Pour atteindre ce but, il songeait à former une république chrétienne dans laquelle régnerait une paix perpétuelle. D’acord avec les principales puisances, il aurait divisé l’Europe en six monarchies héréditaires, cinq monarchies électives et quatre républiques souveraines ; on aurait rejeté en Asie les Turcs infidèles et les Russes schismaliques, en cas qu’ils n’eussent pas accepté l’alliance générale ; enfin on aurait institué un tribunal européen, avec six conseillers inférieurs, où les députés de toutes les nations auraient jugé tous les différends, de manière à rendre toute guerre impossible[2]. On n’au[[rait toléré que la religion chrétienne, c’est-à-dire le catholicisme et les deux grandes sectes du protestantisme, les luthériens et les calvinistes. Déjà une armée se mettait en marche pour l’Allemagne, et Henri IV, ayant confié la régence à la reine Marie de Médicis, allait en prendre le commandement, lorsque la mort suspendit l’exécution de ce vaste projet.

323. mort de henri iv. — Le vendredi 14 mai 1610, comme le roi se rendait à l’Arsenal pour faire visite au duc de Sully, qui était malade, son carrosse entrant de la rue Saint-Honoré dans celle de la Ferronnerie, fut arrêté par un embarras de voitures. Pendant ce temps, « un scélérat sorti des enfers, appelé François Ravaillac, natif d’Angoulême, monte sur la roue du carrosse, et d’un couteau tranchant de deux côtés, lui porte un coup entre la seconde et la troisième côte, un peu au-dessus du cœur, qui a fait que le roi s’est écrié :Je suis blessé ! Mais le scélérat, sans s’effrayer, a redoublé et l’a frappé d’un second coup dans le cœur, dont le roi est mort sans avoir pu jeter qu’un grand soupir. Ce second a été suivi d’un troisième, tant le parricide était animé contre son roi, mais qui n’a porté que dans la manche du duc de Montbazon. Chose surprenante ! nul des seigneurs qui étoient dans le carrosse n’a vu frapper le roi : et si ce monstre d’enfer eut jeté son couteau, on n’eût sçu à qui s’en prendre. Mais il s’est tenu là comme pour se faire voir, et pour se glorifier du plus grand des assassinats. » (Journal de l’Estoile). Le crime de Ravaillac fut attribué par le peuple à l’empereur, au roi d’Espagne, aux jésuites. Le fanatisme suffit pour l’expliquer ; l’assassin, égaré par les exécrables maximes qu’avaient tant préconisées les prédicateurs de la Ligue, et qui avaient encore quelque crédit sur les esprits faibles, sur les consciences timorées, crut faire une œuvre méritoire en frappant un prince que l’on soupçonnait d’être toujours protestant au fond du cœur. Dans les interrogatoires qu’il subit, à la torture, sur l’échafaud même, il persista à dire qu’il n’avait pas de complices.

324. jugement sur henri iv. — On ne saurait affirmer que Henri IV ait songé à accomplir dans tous ses détails le projet que lui attribuent les Mémoires de Sully ; mais ce qui est certain, c’est qu’il voulait consommer l’abaissement de la maison d’Autriche, afin de consolider l’équilibre européen et la liberté religieuse. C’était la politique qu’avait suivie François Ier ; c’était celle qu’allait suivre d’une manière si glorieuse le cardinal de Richelieu. Dans ces généreux desseins qui intéressaient non pas seulement la France, mais l’Europe entière, est le véritable secret de l’adoration qui accompagne encore maintenant le nom de notre Henri IV. Il faut, pour obtenir les hommages de toute une grande nation pendant plusieurs siècles, autre chose que de l’esprit et des bons mots, autre chose même que de bonnes intentions. Ceux qui se contentent de rapporter les vives reparties du Béarnais et les anecdotes relatives à sa vie privée, et à ses rapports avec Sully, font injure à sa mémoire, s’ils ne disent pas aussi quelle fut sa politique, quels furent ses projets : ils montrent l’homme d’esprit, et cachent le grand roi.

325. louis xiii. marie de médicis ; concini. — La mort de Henri IV laissait le trône à un enfant de neuf ans, Louis XIII, et la régence à une faible femme, Marie de Médicis. Marie abandonna toute l’autorité au Florentin Concini et à sa femme Eléonora Galigaï, qu’elle avait eue pour sœur de lait. Concini acheta le marquisat d’Ancre, près d’Amiens, et la charge de premier gentilhomme du royaume ; il se fit donner les gouvernements d’Amiens, de Péronne, de Dieppe, de Pont-de-l’Arche et de Bourg en Bresse ; il devint premier ministre, et même maréchal de France. Au dedans et au-dehors, toutes les idées de Henri IV furent mises en oubli. Sully fut disgracié ; on ne résista ni aux prétentions des nobles ni à celles des huguenots, qui obtinrent des pensions, des dignités et des priviléges. On renonça enfin à la guerre contre la maison d’Autriche, et un double mariage, celui du roi avec l’infante d’Espagne Anne d’Autriche, celui de sa sœur Élisabeth de France avec l’infant Philippe, unit étroitement les deux maisons royales.

326. états-généraux de 1614. — Déclaré majeur peu de temps après, Louis XIII convoqua les États-Généraux à Paris. C’est la dernière assemblée de ce genre qui ait eu lieu avant les États de 1789, qui commencèrent la Révolution française. Le clergé y comptait]][3]

  1. Ces pays forment aujourd’hui de département de l’Ain.
  2. Note WS : la partie signalée entre crochet correspond aux pages 178 et 179, manquantes de notre fac-similé, elle ont été retranscrites à partir de l’exemplaire de Gallica à partir de cette page jusqu’à celle-ci
  3. Note WS : fin de la reprise des pages manquantes