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Mazarin avait reçu en récompense le chapeau de cardinal à l’âge de trente ans (1641). C’était un homme de beaucoup d’esprit, souple, patient, actif, sachant courber la téte au besoin devant l’orage, pour surnager ensuite comme le liège qui revient sur l’eau[1]. Richelieu avait marché droit à son but ; Mazarin se flatta d’obtenir par l’adresse et le laisser-aller ce que son prédécesseur avait obtenu par la crainte. Il ne s’étonnait pas des revers, et ne perdait point confiance en son étoile. S’agissait-il de choisir quelque confident ou quelque instrument de ses desseins, il demandait si c’était un homme heureux ; il croyait que le succès fait rarement défaut à toute entreprise qui est conçue avec prévoyance et conduite avec vigueur. Il résumait lui-même sa politique par ces deux mots : « Le temps et moi. » Souvent en effet le grande habileté dans les affaires consiste à savoir gagner du temps. Enfin, il répondait aux plaisanteries dont il était l’objet à cause de sa prononciation italienne, que son cœur était français si son langage ne l’était pas beaucoup. Et il est juste de reconnaître que ce ministre a fait de grandes choses pour la France.

340. batailles de rocroi, de fribourg, de nord-lengen et de lens. — Son premier titre de gloire fut l’heureuse et brillante issue de la guerre de Trente ans. Louis XIII, à son lit de mort, avait vu en songe le duc d’Enghien, prince de Condé, remporter une grande victoire sur les ennemis. Le 19 mai 1643, cinq jours après l’avènement du jeune roi, la bataille de Rocroi couronnait de lauriers le berceau de Louis XIV. Dans cette mémorable journée, un général de vingt ans ne craignit pas d’attaquer, contre l’avis du vieux maréchal de l’Hôpital, une armée presque double de la sienne, et composée en partie de ces vieilles bandes espagnoles dont la réputation était européenne. Le succès justifia son audace ; l’infanterie de l’armée d’Espagne, jusqu’alors invincible sur tous les champs de bataille, fut mise en déroute à la journée de Rocroi ; elle ne se releva pas de cette défaite, et céda désormais la place à l’infanterie française. La vainqueur rejeta les ennemis au delà du Rhin, passa

  1. Mémoires de Mme de Motteville.