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Presque à la même heure, interrompant une passionnante discussion sur la chimie des corps vivants, le professeur Fringue et le docteur Silence déchiffraient un billet qu’on venait de leur remettre :

« Je vous attends à Fontenay, villa des Roses. Tout est prêt. — Roland Missandier. » lut à haute voix le professeur.

Son regard s’anima. Depuis la visite surprenante qu’il avait reçue, il vivait dans l’attente de cet appel ; la vision de l’opération inouïe qu’il allait pouvoir tenter le hantait ; c’était à la fois obsédant et délicieux, une joie folle, une joie de savant qui s’est donné corps et âme à la chimère scientifique et qui touche à la réalisation de son espoir, le soulevait par instants ; à d’autres moments, une inquiétude le rongeait, celle de ne plus voir reparaître le sujet volontaire et d’avoir été victime d’une indigne fumisterie. Mais, à aucun instant, il n’avait discuté avec sa conscience le point de savoir s’il devait accepter et profiter, peut-être abuser du caprice d’un insensé.

Le docteur Silence partageait-il ces transes ? Ignorait-il le doute ? Qui l’aurait pu dire ?

Quand le professeur Fringue, posa la question décisive : « Décidément, y allons-nous ? » l’aide se contenta d’aller prendre sur un meuble une caisse toute préparée, contenant les instruments et les accessoires nécessaires.

Les deux savants sortirent et rejoignirent la voiture qui les attendait.

Bercés par le roulement, ils songèrent, chacun de leur côté.

— J’ai trouvé, dit tout à coup Silence.

Le professeur Fringue se dressa, effaré, dans l’obscurité. Son élève avait parlé sans être interrogé.

— Quoi ? demanda-t-il, ahuri.