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me, soudain se précipitant hors du wagon, demeura suspendu dans le vide, accroché à la barre et se balançant.

Un cri jaillit de la bouche de Violette.

— Roland !

C’était bien Roland Missandier, en effet, mais combien, étrange d’aspect et d’attitude !

D’abord, il avait fait un mouvement comme pour sauter à terre. Mais, frôlé, presque heurté par le défilé incessant des voyageurs pressés, il s’était rejeté en arrière et, cramponné peureusement à la barre de cuivre, il contemplait le va-et-vient avec une sorte d’effroi indécis.

Ses yeux semblaient égarés ; sa face agitée de tics nerveux, se convulsait en d’effroyables grimaces. Ses lèvres se retroussaient en un rictus qui n’avait rien d’humain ; puis, dans une brusque contraction des muscles, elle remontait et les deux rangées de dents, violemment rapprochées, faisaient entendre un claquement sec.

C’était étrange et encore plus effrayant.

Mais, le regard, surtout, faisait frissonner — un regard hallucinant, de bête ou de démoniaque ; un regard morne et fou, sans expression, sans intelligence, où se succédaient en éclairs des effrois et des colères sans suite comme sans cause apparente.

Ces yeux-là voyaient, mais ne comprenaient point ; ils n’exprimaient que des lambeaux d’impressions, éparses et spontanées, brèves, chaotiques, heurtées, naissant et s’éteignant sans lien avec le passé ni l’avenir. Il n’y avait en eux que du-vertige et du vide.

Certes ! c’étaient les yeux de Roland. « Mais sans la pensée de Roland ».

Il n’aurait point suffit de dire qu’ils ressemblaient à des yeux d’aliéné. On ne pouvait les comparer à rien, car jamais semblable regard n’avait paru dans les yeux d’homme.

Et c’était cela qui épouvantait.

Violette, ne vit pas tout cela. Elle ne remar-