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ordirairement intelligents, lucides même, en même temps que profondément tristes. Il y avait en eux de la souffrance et du désespoir.

Le regard errait dans le vague, à la façon de l’être qui songe ; mais, parfois, il rencontrait l’énorme main velue, posée à plat sur la table. Alors, le gorille frémissait des pieds à la tête ; ses yeux reflétaient l’horreur et soudain, d’un geste convulsif, il saisissait entre ses mains son front — ou plus exactement ce qui eût été la place de son front s’il avait été un homme — et il l’étreignait en poussant un long gémissement, plein d’une détresse indicible.

Après ces explosions de désespoir, il se relevait brusquement et se mettait à marcher tout autour du cabinet, en faisant, avec ses longs bras, des gestes insensés et en roulant des yeux égarés.

Était-ce la bête qui reparaissait en lui ?

Non ! Car, même alors, son attitude n’avait rien de simiesque. Au lieu de marcher à quatre pattes ou d’avancer, le corps courbé vers le sol, à la façon de ses congénères, il se redressait autant que le lui permettait sa conformation, et même davantage, comme si un exercice journalier, qui n’avait pu être que volontaire, lavait rapproché du type humain.

Cette nouvelle crise durait quelques minutes ; puis, lassé ou calmé, il retombait sur sa chaise et s’abandonnait, prostré, à ses éternelles méditations.

Un bruit de verrous tirés et de clé tournée le réveilla.

Son regard se fixa sur la porte qui s’ouvrait.

Un homme parut sur le seuil, grimaçant un sourire aimable.

— Holà ! master Charly, sommes-nous disposé, sommes-nous de bonne humeur ?