Page:Maindron - Dans l’Inde du Sud.djvu/107

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reine Clylemnestra poussant Iphigénie vers l’autel. Tout prend, à ces noces, apparence de sacrifice. Pour un peu, le chef des brahmes, gros homme onctueux, grave et débonnaire, deviendrait un autre Calchas. Et vraiment, la mariée joue là un rôle de victime. Le sourire imperceptible qui éclaire un instant son visage, au contact d’une jeune fille qui la frôle en chuchotant, s’éteint aussitôt. Nul ici ne doit manquer au décorum. Il s’agit d’une représentation mondaine où chacun joue un rôle longuement appris. Nous sommes au théâtre.

La réalité se mêle pourtant à la convention. On assiste à une prise de possession effective, la mariée ne fait que changer de servitude. À l’autorité incontestée du chef de famille, se substitue celle de l’époux. La condition de la femme indienne, vous ne l’ignorez pas, est précaire et misérable entre toutes. Éternelle mineure, captive domestique, elle n’a point même la disposition de sa chair. Le mariage n’est point pour elle une question de choix. Dans les plus basses castes, comme dans les plus hautes, elle entre en esclavage le jour où elle naît pour atteindre a la liberté seulement au jour de la mort. Fiancée, à son insu, et sou-