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chap. 4e.
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DES DIFFÉRENS ENGRAIS.

fumure d’un hectare revient à 125 fr., non compris les frais de transport qui la portent à environ 200 fr. pour les localités où cet engrais parvient.

On emploie principalement cet engrais dans les cultures industrielles, notamment celles du lin, du tabac et des colzas.

Fiente des oiseaux aquatiques. — On a découvert, dans les îles de l’océan Pacifique, des bancs énormes de fiente accumulée depuis des siècles par les oiseaux aquatiques qui se tiennent dans ces parages. Ces résidus, riches en matières organiques azotées putréfiables, contiennent aussi beaucoup d’acide urique. Il se fait un commerce important de cet engrais, entre l’Amérique méridionale et le Pérou, vers lequel on le dirige.

Il est probable que cet engrais, exploité sous le nom de guano, a beaucoup d’analogie, quant à ses effets et son usage, avec celui des colombiers dont nous venons de parler. Voici ce qu’en ont rapporté MM. de Humboldt et Bonpland :

« Le guano se trouve très-abondamment dans la mer du Sud, aux îles de Chinche, près de Pisco ; mais il existe aussi sur les côtes et les ilôts plus méridionaux, à Ilo, Iza et Arica. Les habitans de Chançay, qui font le commerce du guano, vont et viennent des îles de Chinche en 20 jours ; chaque bateau en charge 1,500 à 2,000 pieds cubes. Une vanega vaut à Chançay 14 livres, à Arica 15 livres tournois. Il forme des couches de 50 à 60 pi. d’épaisseur, que l’on travaille comme des mines de fer ocracé. Ces mêmes îlots sont habités par une multitude d’oiseaux, surtout d’ardéa, de phénicoptères, qui y couchent la nuit ; mais leurs excrémens n’ont pu former, depuis trois siècles, que des couches de 4 à 5 lignes d’épaisseur. La fertilité des côtes stériles du Pérou est fondée sur le guano, qui est un grand objet de commerce. Une cinquantaine de petits bâtimens, qu’on nomme guaneros, vont sans cesse chercher cet engrais et le porter sur les côtes : on le sent à un quart de lieue de distance. Les matelots, accoutumés à cette odeur d’ammoniaque, n’en souffrent pas : nous éternuions sans cesse en nous en approchant. C’est le maïs surtout pour lequel le guano est un excellent engrais. Les Indiens ont enseigné cette méthode aux Espagnols. Si l’on jette trop de guano sur le maïs, la racine en est brûlée et détruite. » M. de Humboldt remit une certaine quantité de guano à MM. Fourcroy et Vauquelin, pour en faire l’analyse et y chercher l’acide urique. On peut conclure de leur examen que cet engrais n’est, pour ainsi dire, autre chose que des excrémens d’oiseaux.

On rencontre dans plusieurs grottes des dépôts semblables de fiente, formés par des chauves-souris. Nous citerons pour exemple les grottes d’Arcis-sur-la-Cure, près d’Auxerre.

Tous ces dépôts forment sans aucun doute des engrais plus ou moins chauds et qui peuvent être assimilés, quant à la valeur approximative, aux quantités à employer et aux effets, à la fiente de pigeons dont nous venons de parler.

Dans les pays où l’on élève en grand les vers-à-soie, leurs excrémens et la larve elle-même qui reste après le dévidage des cocons, forment encore un excellent engrais.

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§ v. — Vases des mares, étangs, fossés, pièces d’eau, ports de mer, et boues des villes.

Vases des mares, étangs et fossés. — Au fond de toutes les eaux stagnantes, ou très-lentement renouvelées, se dépose une foule de substances, notamment des débris organiques de végétaux et d’animaux, des feuilles de diverses plantes, des insectes, des graines, des plumes, la poussière des routes ou terres voisines, et toutes les particules légères emportées par les vents. Des solutions d’eaux ménagères ou savonneuses se joignent assez ordinairement à ces matières ; enfin les oiseaux aquatiques et quelquefois les poissons y déposent encore des déjections qui entrent dans la composition des vases précitées.

Au premier abord, il parait difficile d’assigner des propriétés communes à cette réunion si variable de corps divers mêlés en toutes proportions. Toutefois, on observe généralement que, du fond de ces vases boueuses, s’opère un dégagement d’hydrogène sulfuré (acide hydro-sulfurique), et il est évident d’ailleurs qu’une grande partie de ces dépôts, et notamment tous les débris animaux et végétaux, peuvent servir d’engrais à l’agriculture.

On peut conclure de ces deux observations que l’addition d’une certaine quantité de chaux, capable de saturer l’acide hydro-sulfurique et tout autre acide dont l’excès pourrait nuire, offrirait le moyen d’éviter les inconvéniens des vases récentes, et de rompre la cohésion de certains détritus trop résistans. Quant à la proportion de chaux la plus convenable, il serait impossible de la déterminer a priori ; mais l’excès de cet agent, dans de certaines limites, ne peut être nuisible, puisque, employé seul ainsi, il communique une légère réaction alcaline favorable à la végétation, et que dans les sols très-peu calcaires, il est même une des premières conditions de fertilité.

On pourra donc ajouter aux vases récemment extraites 0,005 (environ un vingtième de leur volume) de chaux vive ; cette addition servira en outre à hâter la dessiccation, et dès que le mélange sera assez sec pour être émetté à la pelle, passé au crible, et ainsi rendu pulvérulent, on les répandra sur la terre avant le 1er labour et dans la proportion de 50 à 100 hectolitres par hectare.

Vases mêlées aux débris de poissons. — Les négocians de Dunkerque arment, pour la pêche, un grand nombre de navires qui reviennent chargés de morues ou de harengs. Les habitans en consomment et en salent une grande quantité ; les débris et les poissons mal conservés sont jetés dans les boues qui, remplies de parties animalisées, fermentent rapidement.

Les fermiers des environs de Bergues, très-industrieux, paient le droit d’enlever les boues et de balayer la ville de Dunkerque. Ils recueillent ces vases dans des bateaux, les transportent à une ou deux lieues, en font de gros tas qu’ils mélangent par des lits successifs avec de la marne, de la craie et de la terre,