Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/137

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
chap. 5e.
123
Des endiguages et des embanquemens.


Si personne, en présence d’une pratique journalière, n’a pu nier les effets du brûlis des terres engazonnées, il n’en a pas toujours été de même de celui des argiles dépouillées de végétation. — Tandis que le général Beatson le recommande comme moyen infaillible de remplacer avantageusement le fumier, les amendemens calcaires et les stimulans de toutes sortes, qu’il cite à l’appui de ses assertions une pratique de 6 années, M. Mathieu de Dombasle, après des essais trop courts peut-être, a cru pouvoir se prononcer contre toute efficacité, au moins sur les terres de Roville, de l’emploi du même moyen. — Entre deux opinions aussi contradictoires, l’une et l’autre sans doute beaucoup trop absolues pour être généralisées, il parait ressortir clairement des faits observés, principalement chez nos voisins les Anglais et les Allemands, que si le brûlis des terres n’a pas répondu toujours ou complètement à l’attente de l’expérimentateur, d’après les espérances exagérées qu’on lui faisait concevoir, il a du moins produit en certains lieux, et dans des circonstances que le commencement de cette section contribuera peut-être à faire reconnaître, des effets assez satisfaisans pour fixer sérieusement l’attention de nos agriculteurs.

Sur des parcelles de même qualité et d’égale étendue, en employant comparativement l’argile brûlée en proportion moindre d’un cinquième que la suie, et des deux tiers que les cendres végétales, Cartwright a obtenu des résultats constamment plus avantageux sur des turneps, des pommes-de-terre et des choux-raves. — Sans revenir sur les étranges résultats des essais prolongés du général Beatson, à côté de bien d’autres faits récens trop nombreux et trop précis pour qu’il soit permis de les laisser passer inaperçus ou de les rejeter sans examen, je pourrais citer encore la pratique de l’Irlande où, depuis près d’un siècle, l’argile brûlée est, dit-on, la base de la principale culture du pays, celle des pommes-de-terre ; les vieilles et durables coutumes du Sussex, de la Catalogne, etc., etc. — Essayons donc d’abord en petit, en cherchant un guide dans la théorie, sans pourtant nous en rapporter à elle, car « expérience passe science. » Oscar Leclerc-Thoüin.

[5:3]

Section iii. — Des endiguages ou embanquemens, ou des moyens de prévenir les envahissemens des eaux pluviales et de la mer.

Après quelques observations générales, nous indiquerons successivement les principaux moyens employés avec succès pour préserver des envahissemens des eaux et soutenir les bords des ruisseaux, particulièrement de ceux qu’on appelle rus, des torrens, des rivières et fleuves, et les rives de la mer : ces terrains sont presque toujours d’une grande valeur.

[5:3:1]

Art. ier. — Observations générales sur les endiguages.

[5:3:1:1]

§ ier. — Principes généraux.

On sait que l’eau, comme tout autre corps qui vient frapper une surface, est réfléchie ou renvoyée sous un angle égal à celui d’incidence, et que la vitesse de l’eau, toutes choses égales d’ailleurs, est en proportion de la pente de la surface sur laquelle elle coule.

Les endiguages doivent d’abord être considérés en ce qui regarde leur situation, leur direction, leur construction, les matériaux qu’on doit y employer.

La situation d’une digue doit être telle que sa base ne soit pas, sans nécessité, exposée à l’action immédiate du courant ou des vagues ; et quand la quantité d’eau est limitée, plus on laisse de largeur au lit, moins la digue a besoin de hauteur et de force.

La direction de l’endiguage doit n’offrir que le moins possible de résistance, soit au courant, soit à l’inondation ou à la marée.

Quant à la construction ou à la forme de la digue, sa hauteur et sa force doivent toujours être en rapport avec la profondeur et la pression de l’eau qu’elle peut avoir à soutenir ; afin d’augmenter la puissance, il est bon que sa face postérieure ait la forme d’un arc-boutant ou contre-fort, quand on a une grande pression à redouter. C’est de la face antérieure que dépend surtout la force et la durée de la digue : elle doit être en talus très-aplati, afin de mieux résister au poids et à l’action destructrice de l’eau. Une chaussée de 3 pieds de hauteur doit avoir 9 à 12 pieds à la base ; une moindre épaisseur suffit lorsque la terre est compacte ou graveleuse.

Les matériaux, tant pour le corps de la digue et sa surface postérieure, que pour l’antérieure, lorsque les eaux sont à peu près stagnantes et que le fond est solide, sont en général la terre même du lieu ; mais, quand le courant de l’eau ou les vagues doivent venir frapper la digue, il est indispensable que ce point soit revêtu très-solidement. Quant à la base, elle doit être bien fortifiée, parce qu’il est difficile de la réparer : c’est pourquoi on agit sagement en gazonnant les digues qui sont en terre ordinaire, ce qui est suffisant pour résister aux eaux stagnantes ou aux inondations accidentelles ; tout le talus de la digue sera ainsi garni d’herbes, lorsque cela sera possible. Mais, quand la fréquence ou la nature du courant ne le permettra pas, un revêtement est indispensable ; on peut le faire en pierres, en galets, en graviers, en pailles, fagots ou fascines qu’on retient au moyen de piquets ou d’agraffes en bois.

[5:3:1:2]

§ ii. — Procédés généraux d’endiguage.

Les moyens de préserver du ravage des eaux les bords des rivières et des torrens, sont d’un grand intérêt pour les propriétaires de terres situées dans les contrées montagneuses et dans les plaines au-dessous, où les inondations causent souvent de grands dommages sur les rives, quelquefois même changent le lit naturel du courant. Non seulement ces ravages sont souvent très-considérables, mais encore ils donnent lieu à de fréquentes contestations entre les propriétaires voisins ; en sorte qu’un cours d’eau, qui doit être la limite la plus avantageuse d’une propriété, devient au contraire dans ce cas la plus mauvaise. Les propriétaires ont donc