Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/255

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au loin ; en adoptant au contraire la ligne e pour la forme à donner au terrain, on laisserait la hauteur c, et on n’enlèverait que les bosses hh qui serviraient à combler les bas-fonds ; en f, où la pente change, on ferait une seconde rigole d’arrosement ; en g celle d’écoulement.

La situation d’une prairie au-dessous d’un village est des plus avantageuses, surtout quand le ruisseau qui l’arrose passe par le village même. Le terrain reçoit alors toute cette quantité d’eau de fumier et de purin qui, grâce à la négligence des cultivateurs, s’écoule constamment des cours, des étables et des écuries. Dans ce cas on ne doit épargner aucune peine et aucune dépense pour faire profiter toutes les parties du pré de ce précieux arrosement.

Une position élevée tire plus de profit et a plus besoin de l’irrigation qu’une situation basse. Il en est de même d’une exposition au sud ou à l’est, à laquelle l’arrosement est plus avantageux qu’à une exposition à l’ouest ou au nord.

Enfin, il y a encore d’autres considérations qui, dans une entreprise de ce genre, peuvent surgir de la position du terrain, et favoriser ou empêcher l’irrigation. Du nombre de ces dernières sont l’enclavement ou même simplement le morcellement des propriétés, l’absence de clôtures et la difficulté d’en établir pour se soustraire à la vaine pâture qui est incompatible avec une irrigation soignée ; de même, la difficulté de faire écouler les eaux sans nuire aux terrains inférieurs.

La législation présente déjà des facilités pour se soustraire en partie à ces inconvéniens ; il y a lieu de croire que le nouveau code rural qu’on nous fait espérer en procurera davantage encore.

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§ iii. — Conditions dépendant de la situation, de la direction, de l’abondance et de la nature des eaux.

Une des conditions les plus importantes de l’irrigation, est la jouissance non contestée d’un cours d’eau situé plus haut que la prairie, à l’endroit où on le fait dériver sur cette dernière.

Ici encore, le nivellement est nécessaire lorsqu’on n’est pas bien assuré de faire parvenir l’eau sur la partie la plus élevée du terrain. Les résultats de cette opération seront souvent contraires aux prévisions, car l’œil même le plus exercé est sujet à se tromper ; aussi, comme il est extrêmement important d’amener l’eau aussi haut que possible, il ne faut pas hésiter à faire usage du nivellement dans tous les cas douteux.

En procédant de même pour l’établissement des canaux secondaires, des rigoles d’arrosement et d’écoulement, on ne saurait se tromper. En général, il faut, dans toutes ces opérations, agir avec la plus grande circonspection et ne rien brusquer.

Une fois le lieu de la prise d’eau déterminé, c’est au moyen d’un barrage placé immédiatement au-dessous, que l’on force l’eau à changer de direction et à se déverser, en totalité ou en partie, dans le canal qui doit la conduire sur la prairie. Lorsqu’on ne peut établir la prise d’eau assez haut pour conduire l’eau dans les parties supérieures du terrain à arroser, on cherche à élever le niveau de l’eau, en donnant plus de hauteur au barrage. Néanmoins, celui-ci devient alors très-coûteux, pour peu que le cours d’eau soit fort. Lorsque les bords ne sont pas très-élevés, on est aussi souvent dans le cas d’éprouver de l’opposition de la part des propriétaires riverains supérieurs, dont les terrains pourraient souffrir de l’exhaussement et du refoulement de l’eau. Dans cette circonstance, on serait obligé de construire des digues le long du cours d’eau.

Si ces moyens étaient impraticables ou insuffisans pour exhausser assez le niveau de l’eau, il n’y aurait d’autres expédiens que de faire usage d’une machine hydraulique. Jusqu’ici je n’en connais point d’assez simple et fournissant en même temps assez d’eau pour qu’elle mérite d’être employée généralement dans des circonstances semblables. Celles que l’on possède actuellement et qui seront décrites et figurées ci-après ne peuvent être employées que dans les localités exceptionnelles, où l’irrigation a des résultats extraordinaires, et où les produits ont assez de valeur pour que leur augmentation paie les dépenses. Dans tous les cas, il ne peut être question ici que d’une machine mue par l’eau elle-même.

Une fois le but connu, la direction du canal de conduite est encore fort importante. Lorsque le terrain n’est pas parfaitement plane, ce qui n’a presque jamais lieu, on est obligé de l’égaliser ou de faire suivre au canal une ligne plus ou moins tortueuse, de façon à ce qu’il parcoure toujours un plan presque horizontal, c’est-à-dire ayant environ 4 à 6 millimètres de chute, par mètre de longueur, selon qu’il y a plus ou moins d’eau.

L’abondance de l’eau et l’égalité de son volume pendant toute l’année sont des considérations importantes. Quoique les seuls arrosemens d’automne et de printemps soient déjà très-efficaces par la qualité particulièrement fertilisante des eaux à cette époque, il est néanmoins très-important de pouvoir arroser pendant l’été, surtout pour les positions élevées et pour les sols perméables.

Lorsqu’on ne peut disposer que d’un faible filet d’eau, il est souvent absorbé par les rigoles avant de parvenir jusqu’à l’herbe, et dans tous les cas, il a très-peu d’effet. On remédie à cet inconvénient par le moyen d’un réservoir dans lequel se rassemble l’eau de source et les eaux pluviales des terrains supérieurs. Lorsqu’il est plein, on le lâche, et la quantité d’eau est alors suffisante pour arroser convenablement une partie du pré. La grandeur de ces réservoirs, dont on trouvera ci-après la figure, se règle sur la force du cours d’eau et sur l’étendue de la prairie ; sur leur profondeur ; sur la pente du terrain. Ils ne conviennent pas dans les lieux qui ont très peu d’inclinaison. Le fond et les parois doivent en être imperméables.

Comme on ne peut toujours être présent pour ouvrir le réservoir dans le moment convenable, on a imaginé plusieurs dispositions par le moyen desquelles il se vide spontanement dès qu’il est rempli. La plus ingénieuse