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liv. ier.
Agriculture : des récoltes.

qui les traitent avec une certaine libéralité, par un travail plus assidu et par une probité qui se dément rarement.

C’est aussi le moment de préparer des boissons économiques, pour ces temps de soif dévorante. On a donné bien des recettes de boissons rafraîchissantes ; je crois que cette qualité ne suffit pas et qu’il faut les rendre aussi un peu spiritueuses. Donner de sages conseils aux moissonneurs pour la conservation de leur santé, c’est une tâche que tout homme éclairé s’empressera de remplir ; mais il ne faut pas qu’il s’abuse, qu’il s’apitoie à contre-temps ; on exigerait bientôt avec audace ce qu’on n’oserait même demander à un homme moins facile ; il y aurait relâchement. Trop de fierté ou d’indulgence peut compromettre singulièrement, dans ces circonstances, le caractère du chef de l’exploitation.

Peu de temps avant la moisson de chaque espèce de céréales, on préparera les liens suffisans pour l’engerbage. Diverses matières sont employées à cet usage. Les principales sont : le genêt et le coudrier, l’écorce de tilleul, la paille et les joncs. Toutes les substances ligneuses en général sont peu propres à lier solidement un faisceau d’épis. Si dans quelques contrées, notamment en Bretagne, on se sert de genêts, c’est que là on bat la récolte sans la mettre en grange, et que la gerbe ne demeure liée que deux ou trois jours. Le bois en se desséchant devient plus cassant et occupe moins d’espace que lorsqu’il était encore vert, et on conçoit que les chaumes ne tardent pas à se desserrer et à se perdre. Il en est de même du coudrier.

Dans les pays environnés de taillis où le tilleul est commun, on écorce les jeunes branches de cet arbre au moment de la sève ; la force et la flexibilité de ces écorces, que l’on nomme tilles, les rendent très-propres au liage des céréales, et plus propres encore à celui des foins lorsqu’on bottèle sur le champ même. Ces sortes de liens se vendent 50 à 60 centimes la botte, lorsque celle-ci en contient un cent. Les tilles servent plusieurs fois si l’on a la précaution de les faire tremper quelque temps avant de s’en servir.

La paille, celle de seigle, est la substance que l’on emploie le plus communément. La manière de faire les liens avec la paille est assez connue : on la bat, soit au fléau, soit par le chaubage ; on mouille l’extrémité où se trouvent les épis : c’est la partie la plus flexible, et par conséquent celle où l’on fait le nœud. C’est ce qu’on nomme le nœud droit, le nœud de mèche. Celui qui a vu deux paysans bretons prendre chacun une poignée de paille et la tordre pendant quelques minutes pour en faire un lien, s’étonne qu’une opération aussi simple et aussi expéditive que le nœud ne soit pas universellement répandue. C’est ce qui m’engage à en donner ici la figure (fig. 382).

L’habitude et l’exercice seuls peuvent donner l’agilité pour faire ces liens promptement et solidement.

Les liens de joncs sont peu usités et peu solides. Le meilleur usage qu’on puisse faire de ces végétaux, c’est d’en tresser des nattes, et d’en faire des ligatures pour palissage. Pour la récolte des foins comme pour celle des grains, il faut toujours avoir deux endroits de déchargement : l’un pour y déposer les produits bien récoltés, l’autre destiné à recevoir ceux que la pluie ou d’autres circonstances auraient tenus humides ; afin que si ces derniers venaient à s’échauffer et à fermenter, on pût les battre ou les faire consommer sans bouleverser la gerbière.

Chacun consultera encore les circonstances qui échappent à la prévision de l’homme : il interrogera les localités et prendra conseil de sa position. Lorsque le cultivateur prudent aura pris toutes les mesures que nous venons d’indiquer, il peut attendre avec confiance le moment de la récolte ; le hasard, les événemens imprévus, les changemens brusques de température, le trouveront rarement en défaut.

Section ii. — Récoltes des fourrages.

Dans quelques contrées montagneuses ou dans des marécages, les animaux vont eux-mêmes chercher leur nourriture ; la récolte ne se fait pas autrement que par la dent des animaux : ceci appartient plutôt à l’aménagement des pâturages et à l’économie des prairies d’embouche qu’à la question qui nous occupe.

Nous dirons seulement un mot sur les fourrages donnés en vert à l’étable.


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Art. ier. — Des fourrages récoltés en vert.

Il semble aux domestiques chargés de l’affourragement qu’il n’y a qu’à faucher et à donner. L’époque du vert, qui devrait être pour les animaux une époque de vigueur et de santé, est souvent le moment où les cultivateurs, par leur négligence, font des pertes considérables.

Nous indiquerons les précautions à prendre pour éloigner de semblables désastres, lorsque nous parlerons de l’alimentation des animaux. Nous ne pouvons mieux faire, en traitant le sujet qui nous occupe, que de citer les paroles de M. de Dombasle : « Pour la régularité du service, il est nécessaire, dans une exploitation rurale, qu’un individu déterminé soit chargé de faucher et d’amener journellement le fourrage vert pour tous les bestiaux ; sans cela, il en résulte beaucoup de désordre dans le service : c’est toujours un sujet de disputes entre les valets, pour savoir qui n’ira pas. Les bêtes manquent souvent de fourrage, et c’est pour tous un sujet toujours prêt pour perdre beaucoup de temps. Lorsqu’on n’a pas beaucoup de bêtes à nourrir, on peut distribuer cette besogne à tour de rôle entre les valets, en sorte que chacun en soit chargé pendant une semaine ou pendant un mois. Celui qui est de service va au vert aussitôt que les attelages quittent le travail ; de cette manière on peut, au moyen d’une