Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/308

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foin, et si elle ne présente pas le danger de s’échauffer au point de brûler, il est à désirer qu’on l’adopte partout où l’on se livre à l’engraissement du gros bétail.

Dans ce que nous avons dit jusqu’ici, nous avons supposé que la température et les localités favorisent la dessication du foin ; il n’est pas rare que la pluie, les orages viennent déranger les calculs du cultivateur : celui-ci sera toujours prêt à faire face aux changemens les plus brusques, les plus imprévus de l’atmosphère : si des pluies d’orages, si des eaux boueuses, des rivières débordées parcourent ses prairies et couvrent les herbages d’une vase impure, il est nécessaire de retarder le fauchage jusqu’à ce qu’une pluie douce vienne laver les feuilles des végétaux ; si cela ne suffit point pour rendre le fourrage propre et sain, on n’en fera pas moins la fenaison comme à l’ordinaire ; mais, en préparant le foin, on aura la précaution de le secouer souvent et énergiquement, afin de faire tomber la poussière ; avant de l’emmagasiner on le battra au fléau : cette besogne s’exécutera avec plus de perfection et de succès si on le fait passer par une machine à battre, dont la ventilation emportera au loin la poussière. Ce travail est malsain pour les ouvriers, et on aura soin de les relayer de temps en temps.

Lorsque la température se dérange tout-à-coup, au moment où l’herbe est déjà coupée, on se gardera bien de la répandre, mais on la laissera en andains ou en chevrottes. Du reste, on se persuadera bien que, pour que la dessiccation soit arrivée à un degré convenable, il n’est pas du tout nécessaire que la totalité de l’eau de végétation soit évaporée. Tous les bons praticiens savent que le foin emmagasiné, pour être de bonne qualité, doit subir une fermentation légère et insensible, qui manifeste sa présence dans le tas par une sueur qui en couvre la surface. Ainsi, lorsqu’un foin n’est pas parfaitement sec, et que la pluie menace, ne craignez pas de le rentrer, il n’en sera que meilleur. Si vous avez des doutes sur sa conservation, mélangez-le par couches alternatives avec du foin vieux et bien sec, ou stratifiez-le avec de la paille d’orge ou d’avoine. Avec l’emploi de ce moyen, vous pouvez être sans inquiétude.

Dans les prés marécageux, dans les endroits ombragés, la dessiccation s’opère lentement, et le foin court beaucoup de chances d’être avarié. Il est prudent, lorsqu’on le peut, de l’emporter de ces fonds humides aussitôt qu’il est coupé, et de le transporter dans un endroit où il se sèche plus promptement et plus sûrement. Pour cela faire, on emploiera avec succès le râfleur dont nous avons parlé, ou un traîneau.

Dans le Tyrol, on fait de très-bon foin dans les prairies très-humides ou même inondées, au moyen de perches (fig. 400) de 5 à 6 pouces de circonférence, et de 4 à 5 pieds de longueur, qui portent vers leur extrémité supérieure trois ou quatre petites traverses en croix. Après la fauchaison, on fiche ces perches dans la prairie, on réunit le foin en assez gros tas qu’on pose sur les perches sans les laisser toucher à terre. La forme convexe que prend l’herbe la soutient, et sert à rejeter les eaux pluviales. L’air circule donc librement de tous côtés, et le foin peut ainsi rester plusieurs semaines sans le moindre danger. Cette méthode comporte une dépense qui, une fois faite, ne se renouvelle plus pendant bien des années.

Section iii. — De la récolte des granifères, ou des moissons.

On a comparé le cultivateur qui moissonne à un navigateur qui rentre dans le port après une expédition longue et périlleuse. Le cultivateur, en effet, est un nautonnier qui, au milieu des orages et des tempêtes, entouré d’ennemis puissans et nombreux, conduit sa frêle embarcation vers le port ; mais qu’il n’oublie point que cette rade qu’il appelle de ses vœux, est encore bordée d’écueils et de récifs, et que les périls de la navigation sont d’autant plus imminens qu’elle approche de son terme. L’agronome savant, le praticien distingué peuvent faire produire à la terre de belles récoltes ; c’est à l’administrateur éclairé qu’il est donné de les recueillir avec le plus de succès.

Les circonstances sur lesquelles il importe surtout de diriger son attention sont l’époque où le degré de maturité le plus convenable pour obtenir des produits qui réunissent la quantité et la qualité, les modes les plus expéditifs et les moins coûteux selon les localités, et l’organisation du travail.

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Art. ier. — Epoque et degré de maturité.

Si l’homme en cultivant les plantes se proposait le même but que la nature, c’est-à-dire la conservation et la propagation des espèces, la question que nous examinons n’offrirait aucune prise à la discussion. L’époque de la récolte serait précisément celle où la plante, ayant accompli son œuvre, laisse tomber les fruits qu’elle a fécondés ; c’est aussi celle-là que l’on choisit lorsque le but du cultivateur se rencontre avec le vœu de la nature, en la devançant de quelque temps afin de ne pas perdre sur la quantité. Mais il arrive souvent que, pour les besoins qu’elles sont appelées à satisfaire, les plantes n’exigent pas un degré complet de maturité. Cela est vrai surtout pour les végétaux dont les semences sont destinées à la panification ou à la fabrication de l’huile.

Il y a d’ailleurs une question préalable à examiner ; c’est de savoir si la maturation est entièrement un acte de la végétation, ou si elle n’est qu’une combinaison nouvelle des élémens préexistans, qu’une réaction chimique des substances contenues dans le périsperme. Tout nous autorise à admettre cette dernière hypothèse. On sait que les fruits d’hiver se récoltent vers la mi-automne, et que ce n’est que quelques mois plus tard