Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/343

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
chap. 12e
329
CONSERVATION DES RACINES.

immédiat. C’est particulièrement le cas où se trouvent les cultivateurs qui ont annexé à leur exploitation une fabrique de sucre de betteraves. Ainsi, il n’est pas rare de trouver des cultures où un hectare suffirait à peine pour l’emplacement des silos ; on comprend qu’il faudrait, pour ce seul objet, perdre annuellement la valeur d’un hectare ou davantage.

Dans ce cas, on fait le silo dans le champ même, au bord des chemins les mieux entretenus ; et, au lieu de creuser dans le sol une excavation, on dispose simplement les racines sur la terre (fig. 467) : on couvre le talus de paille ou de toute autre substance sèche et de terre, comme dans le précédent ; la terre employée à la couverture se prend très-près du tas, ce qui forme tout autour une rigole qui empêche la stagnation de l’humidité dans le tas. La terre dont on s’est servi ainsi pour couvrir les silos forme un assez bon engrais qu’on a soin de disperser sur les parties environnantes.

On s’est aperçu que les racines amoncelées dans les silos fermentent quelque temps après la mise en tas, et que souvent le résultat de cette fermentation, c’est la décomposition d’une plus ou moins grande partie des produits. Pour empêcher cette fermentation, ou du moins pour en prévenir les suites désastreuses, on pratique dans la partie supérieure des silos, des soupiraux ou cheminées A (fig. 468). On prend deux tuiles creuses, un tronc d’arbre percé que l’on fait reposer sur l’arête formée par la partie supérieure du silo ; par ce moyen, l’air est continuellement en contact avec les racines : à l’approche des grands froids, on ferme l’entrée avec de la paille ou d’autres substances.

Lorsqu’il arrive des gelées longues et opiniâtres, on ne doit pas manquer de visiter souvent les silos, afin que, si quelque partie était attaquée, on put immédiatement l’utiliser. Lorsqu’on redoute les suites d’un froid rigoureux, on fera bien de répandre sur les silos une légère couche de paille ou de fumier long. Lorsque les gelées sont passées, si elles ont occasioné quelques dégâts, on s’en aperçoit immédiatement : les racines attaquées perdent leur eau de végétation, diminuent de volume, et au-dessus d’elles la couverture de terre s’affaisse. Il ne faut pas balancer ; on démonte le silo, on trie les racines qu’il contient, afin que celles qui sont gelées ne déterminent pas la décomposition des autres.

[12:2:3:4]

§ iv. — Autres moyens de conservation.

On a remarqué que toutes les plantes du genre Chou et du genre Navet sont moins sensibles au froid que la plupart des autres racines. Ainsi, il est rare de voir geler des rutabagas, et, après l’hiver, on trouve souvent des navets qui n’ont pas été attaqués par la gelée. On a fait à ce sujet une remarque importante, c’est que les plantes qui n’ont point parcouru tout le cercle de leur végétation résistent mieux au froid que celles qui seraient complètement mûres, lorsqu’on les laisse sur le sol sans les arracher ; et on a remarqué, au contraire, que les plantes récoltées avant maturité, et mises en silos, contractent plus facilement la pourriture. Cette vérité a paru dans tout son jour à l’automne 1834. Une foule de fabricans de sucre, qui avaient commencé leurs récoltes de racines en septembre avant la maturité, ont perdu beaucoup de ces produits serrés avant l’époque convenable, tandis que les autres se conservent fort bien.

Ainsi, pour les crucifères qui produisent des racines charnues et qui ne sont pas avancées dans leur végétation, on peut se dispenser de les récolter avant l’hiver. Ce cas se présente fréquemment dans les récoltes dérobées, telles que navets semés dans du sarrasin et des féverolles, ou, après du seigle, du froment, etc. On les laisse à eux-mêmes jusqu’au printemps ; alors, quand la végétation commence à se réveiller et les tiges à monter, on arrache le tout pour en affourrager les animaux.

Si l’on avait besoin de ces plantes pendant le courant de l’hiver, on pourrait les arracher, les entasser modérément sur le sol, en ayant soin de les couvrir avec leurs feuilles après les avoir décolletées, ou mieux de les amonceler sans les dépouiller de leur feuillage, pourvu que celui-ci soit étalé de manière à servir de couverture.

On pourrait encore rentrer les racines crucifères dans des granges, des hangars, ou même dans des cours. Elles se conserveront très-bien, pourvu qu’on ne fasse pas de gros monceaux, et qu’a l’approche des grandes gelées, on les couvre d’une légère couche de paille ; dans le Limousin, où l’on consomme une grande quantité de raves, on se contente de les rentrer dans les granges et de couvrir la superficie des tas avec de la menue paille de sarrasin. Les cultivateurs qui en usent ainsi assurent n’avoir jamais eu à regretter la perte d’une seule racine.

[12:2:3:5]

§ v. — Conservation des racines destinées à la nourriture de l’homme.

Tout ce que nous avons dit jusqu’alors ne peut guère convenir qu’aux produits employés à la nourriture des animaux domestiques ; les racines que l’on réserve pour la consommation de la ferme, ou pour être conduites au marché, seront serrées dans un local où l’on puisse en prendre journellement la provision nécessaire sans beaucoup de travail, et sur-