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liv. ier.
AGRICULTURE : COMMUNICATIONS VICINALES ET RURALES.


pour mieux empêcher la pénétration des eaux pendant qu’il était simplement en terre), il faut abaisser ce bombement à la pelle, puis rouler ensuite le sol pour le bien tasser, avant de commencer à le couvrir de pierres.

La condition la plus importante pour avoir de bonnes chaussées en cailloutis, est d’exclure entièrement toutes les grosses pierres. Il n’en faut, ni pour les bordures, que l’on croyait jadis indispensables, ni pour les premiers lits de la chaussée, que l’on nommait empierrement et hérisson. L’expérience a triomphé des préjugés qui, récemment encore, défendaient cet ancien système, et on reconnaît généralement que les chaussées composées entièrement de petites pierres anguleuses, sans bordures ni empierremens, sont les meilleures et les plus résistantes. Pendant longtemps, les défenseurs des anciens procédés ont repoussé l’emploi des petites pierres, en disant qu’on ne devait pas espérer que des pierres cassées menu résistassent mieux que les pierres plus grosses et plus fortes qu’ils employaient, et qui étaient détruites en peu de temps. Il suffira de dire ici, pour réfuter cette objection banale, plus spécieuse que fondée, que les grosses pierres, ne pouvant pas se réunir et se lier ensemble comme les petites pierres, laissent pénétrer facilement les eaux jusqu’au sol, et que ces eaux, en le détrempant, détruisent sa résistance, qui est la base de celle de la chaussée ; en outre, les pierres volumineuses causent des chocs plus nuisibles que la simple pression, et laissent toujours entre elles beaucoup de vides, qui, formant partout des porte-à-faux, sont cause qu’elles se rompent et s’écrasent aisément sous la charge des voitures. Les petites pierres anguleuses, au contraire, s’enchevêtrent et se serrent les unes contre les autres, au moyen de l’action de coins de leurs angles, que la pression force d’entrer dans les interstices ; elles se lient promptement à l’aide des premiers débris qui remplissent les petits vides restans, et forment des chaussées compactes et résistantes comme une seule masse, que l’eau ne pénètre plus que très-difficilement ; il n’y a plus alors d’écrasemens, parce qu’il n’y a plus de vides, et, par conséquent, moins de consommation de matériaux et plus de durée que dans les chaussées qui sont composées de pierres plus grosses, ou de pierres arrondies.

Pour accélérer et pour mieux assurer la liaison des chaussées, surtout pour parvenir à les rendre plus compactes et plus imperméables, il convient d’employer, pour garnir les interstices des pierres dures, de la pierre tendre, ou, à défaut de ce genre de pierre, des matières de dureté moyenne, telles que les débris ou le bouzin des carrières de pierre à bâtir, de la craie, des graviers, du sable liant, des schistes, des tufs, des marnes sèches, des plâtres, etc., selon les localités. On obtient, par ce procédé, des chaussées bien meilleures et une véritable économie, parce que les matières tendres coulent toujours moins d’acquisition et de cassage que les pierres dures.

On emploie les matières tendres que l’on vient d’indiquer, en première couche, de 5 à 10 cent. (2 à 4 pouces) d’épaisseur, sur le sol du chemin ; on roule ensuite cette couche avec le cylindre de compression, pour la lier et la bien tasser ; et alors, elle fait une espèce de plate-forme que les eaux pénètrent difficilement ; elle empêche que les pierres dures qu’on place ensuite par-dessus ne s’enfoncent dans la terre, et elle sert à lier les pierres qui, pénétrant facilement par leurs angles dans cette couche, font remonter et serrer dans leurs joints les matériaux dont elle se compose.

Quand on n’a pas de cylindre de compression, il faut laisser passer les voitures quelque temps sur la première couche de matières tendres, pour la tasser et la lier ; mais ce moyen de compression est bien inférieur à celui du cylindre, parce que les roues, portant sur de petites largeurs, enfoncent et écrasent les matériaux plus qu’elles ne les compriment.

Cette première couche améliore déjà beaucoup les chemins, et on peut la laisser subsister longtemps sans addition d’autres matériaux, pourvu qu’on l’entretienne convenablement, en la roulant de temps en temps pour lui rendre la fermeté que lui ôte la pénétration des eaux ; mais il vaut mieux, dès qu’on le peut, la couvrir de pierres dures avant qu’elle soit trop broyée.

Les pierres dures destinées à couvrir ces chaussées doivent varier de volume, depuis la grosseur d’un œuf de poule jusqu’à celle d’une noix. Les pierres arrondies ne sont pas bonnes, parce qu’elles se lient difficilement, et laissent toujours entre elles beaucoup de vides ; on peut cependant en employer une partie, que l’on doit alors placer de préférence en première couche sur le lit de matières tendres, parce qu’en y pénétrant elles perdent leur mobilité, qui est leur plus grand inconvénient. Quand on n’a que du caillou arrondi de gravelière ou de ramassage, il faut faire casser avec soin tous ceux dont la grosseur dépasse celle d’un œuf de pigeon. En général, les cailloux roulés, dont les éclats ressemblent à la pierre à fusil, et qu’on nomme silex, sont le moins favorables pour les chemins, parce qu’ils éclatent et se broient facilement sous une pression modérée, et que, leurs éclats étant très-vifs et très-secs, ils ne peuvent se lier que par le mélange de matières plus tendres. Quand on n’a que du silex et aucune des matières liantes désignées ci-dessus, pour servir de ciment, on peut employer utilement dans ce but la terre dure dont nous avons parlé plus haut ; mais on ne l’emploie que dans la couche inférieure, et seulement en quantité suffisante pour remplir les vides.

La meilleure pierre pour les chaussées est la pierre meulière compacte, mélangée avec un tiers de pierre meulière poreuse. Dans les pays granitiques, les fragmens de granit se liant mal entre eux et s’égrenant souvent, il convient de les mélanger avec des fragmens de schiste, que l’on trouve ordinairement près des granits.

On doit faire approvisionner et faire casser les pierres hors du chemin, pour ne pas gêner la circulation ; à mesure qu’on casse ces pierres, il faut employer, pour les mettre en