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chap. 13e.
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DES CHEMINS CANTONNAUX ET COMMUNAUX.


tas, des râteaux de fer à larges dents, pour séparer les débris de cassage, qu’il faut réserver avec un grand soin.

L’emploi des pierres dures doit se faire, autant que possible, par un temps humide, c’est-à-dire après des pluies, parce que les matériaux se lient mieux. On étend la couche de pierre dure sur le premier lit de pierres de matière tendre, avec plus ou moins de largeur et d’épaisseur, selon la quantité que l’on a, parce qu’on peut à volonté ajouter à la largeur ou à l’épaisseur, sans aucun inconvénient, attendu que les nouvelles couches se rattachent et se lient toujours très-facilement avec les anciennes ; ainsi, on peut d’abord n’étendre les pierres dures que sur la largeur d’une voie ou de 2 mètres (6 pi.), et sur une simple épaisseur de 6 à 8 centim. (environs 3 pouces) ; ou bien, quand on a beaucoup de pierres, garnir toute la largeur de la chaussée sur une hauteur de 10 à 12 centim. (4 pouces environ) ; mais on ne doit jamais employer à la fois une plus grande épaisseur, parce qu’elle serait alors trop difficile à tasser, qu’on aurait pendant longtemps une mobilité très-incommode pour les chevaux et les voitures, et qu’elle ne commencerait à se lier que quand il y en aurait la moitié d’écrasée.

La couche de pierres dures de 12 centim. étant étendue sur le premier lit en pierres tendres, on le couvre d’une couche légère de 2 à 3 centimètres (8 à 10 lignes) de petites pierres tendres ou de quelqu’une des matières que nous avons désignées pour le premier lit, afin de garnir et former liaison ; puis, on étend par-dessus les débris de cassage que nous avons recommandé de réserver, et, à défaut de ces débris, ou lorsqu’ils sont insuffisans, du gravier ou du sable un peu liant.

Cette seconde couche ainsi disposée, on la roule bien avec le cylindre, et on a immédiatement une bonne chaussée unie, ferme et bien roulante, sur laquelle les eaux glissent, et qu’elle ne peuvent pénétrer que difficilement. Les pierres qui la composent, n’étant ni pénétrées par les eaux, ni mobiles, ni en porte-à-faux, résistent bien au roulage.

Les chaussées construites de cette manière, n’éprouvant plus, par l’action des roues, que l’usé progressif et inévitable de leur surface, durent plus longtemps et exigent moins d’entretien que les autres.

Nous avons supposé qu’on ne mettait qu’une couche de 8 à 12 centimètres (3 à 4 pouces) de pierre dure ; et en effet, cette épaisseur, bien entretenue, est suffisante pour les chemins qui sont peu fréquentés ; cependant, si l’on a la faculté d’augmenter cette épaisseur, il y a un avantage, mais ce ne doit toujours être que par une seconde couche, qui ne doit être placée qu’après que la première est bien tassée et bien liée par le roulage du cylindre ou des voitures, et on l’exécute de même. Si on met cette seconde couche sur la première aussitôt après son achèvement, il n’y a aucune précaution à prendre ; si au contraire on ajoute la seconde couche après que la première a servi quelque temps, et lorsque sa surface est aplanie et durcie, il faut, pour faciliter sa liaison avec la seconde, la piquer à la pioche ou plutôt l’écorcher avec une griffe. Cet instrument est composé de 4 ou 5 dents en fer, courtes et très-solides, plates par-devant et fortifiées par une arête en arrière, en sorte que leur section est triangulaire ; il opère beaucoup plus vite que la pioche, et suffit pour ce travail, quand la chaussée est un peu humide. On met à part le détritus que l’on extrait par le piquage à la pioche, ou le grattage à la griffe, et on l’étend par-dessus la dernière couche, pour faciliter sa liaison ; on roule ensuite cette seconde couche au cylindre, comme la première.

On voit, par ce qui précède, qu’on peut amener progressivement un chemin vicinal de l’état de simple chemin en terre à l’état d’une route parfaite, sans gêner la viabilité ; que les améliorations peuvent se faire par partie, et s’étendre à volonté, en augmentant successivement les longueurs, les largeurs et les épaisseurs des chaussées, et qu’il est toujours facile d’employer utilement les pierres à mesure qu’on peut les obtenir.

Pour faciliter les approvisionnemens de matériaux nécessaires pour l’exécution ou pour l’entretien des chaussées, il convient d’assigner, soit sur le chemin lui-même, aux endroits où son excès de largeur le permet, soit à proximité des places publiques, ou sur des terrains vagues ou incultes, soit enfin sur le bord des champs, au moyen du consentement des propriétaires, des emplacemens de dépôts, pour que ceux qui doivent des prestations en nature, ou des fournitures de pierres, par suite de marchés passés par les communes, ainsi que les propriétaires qui veulent contribuer volontairement aux approvisionnemens, et ceux qui sont embarrassés de décombres de carrières, de pierres de ramassage sur les champs, ou encore de débris de démolitions, puissent y déposer en tout temps et quand il leur convient, les matériaux utiles pour les chaussées, sans embarrasser la voie publique. On fait trier et casser convenablement ces matériaux, surtout dans la mauvaise saison, par des indigens, des vieillards et des enfans ; puis, quand le temps est favorable pour l’emploi, et qu’on a des voitures, on fait transporter ces matériaux préparés aux endroits désignés, et on les fait étendre et rouler immédiatement.

V. Direction et surveillance des travaux. Pour assurer la bonne exécution de ces travaux, il faut, comme pour tous ceux qui exigent des soins, une bonne direction et une surveillance constante, c’est-à-dire qu’il faut que, dans chaque commune, une personne ayant les connaissances, le zèle et l’activité nécessaires, et nommée par l’autorité municipale, soit chargée de diriger et de surveiller les terrassemens ainsi que les fournitures, cassages et emplois de matériaux. Cette personne peut être salariée par la commune, à titre de voyer, ou remplir ces fonctions volontairement et gratuitement. On doit espérer que, dans les communes qui ne pourront pas avoir un voyer, on verra les propriétaires aisés et libres de leur temps, en consacrer volontiers une partie à cette branche si importante d’intérêt public et communal.

Ce qui importe le plus, c’est de ne jamais faire