Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/368

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
354
liv. ier.
AGRICULTURE : COMMUNICATIONS VICINALES ET RURALES.
Fig. 491

sans transports, et ces tranchées deviennent par cet exhaussement de 20 à 28 centim. (8 à 10 pouces) de profondeur totale. Si on a des pierres ou des matières tendres, on en garnit les tranchées jusqu’à la moitié de leur hauteur ; on fait passer des charrettes à large jante, quelque temps, pour tasser cette première couche ; puis on remplit le reste des tranchées avec de la petite pierre dure bien cassée. Si on n’a que de la pierre dure, on pose d’abord un rang des pierres les plus larges et les plus plates, en appliquant les faces plates sur le fond, et on remplit tout de suite le reste en petites pierres. On engage à mettre des pierres plates au fond, parce que ces petits massifs étant étroits et ne présentant pas, comme ceux des chaussées, de larges plates-formes bien unies, on aurait à craindre que la pression des roues ne fit enfoncer dans la terre leurs bords qui ne sont pas épaulés ; et on diminue cet inconvénient d’autant mieux que les pierres plates du fond sont plus larges.

L’entretien de ces rouages séparés doit toujours se faire, comme ceux des chaussées en cailloutis, en piquant la surface des flaches, et les regarnissant avec de la petite pierre, recouverte avec le détritus.

Art. iii. — Considérations générales sur les obstacles qui arrêtent l’amélioration des chemins vicinaux et sur les moyens de les vaincre.

Le plus grand obstacle à l’amélioration des chemins vicinaux est, comme nous l’avons déjà fait observer, dans l’opinion généralement répandue qu’il n’est pas possible d’obtenir de bons chemins sans y consacrer des sommes considérables. Cette conviction a produit le découragement que cause toujours une impossibilité reconnue ; il importe donc essentiellement de détruire cette prévention et de prouver qu’on peut obtenir de bons résultats à peu de frais.

La seule difficulté réelle consiste à trouver des hommes capables de bien diriger et de bien surveiller l’exécution des procédés économiques et de perfectionnement que nous avons indiqués, non que leur application soit réellement difficile, mais parce qu’ils exigent une certaine instruction et des soins particuliers. Le meilleur moyen d’assurer le succès des applications des méthodes nouvelles et des perfectionnemens, est assurément de former des hommes spéciaux, en les leur faisant pratiquer sous les yeux de ceux qui ont déjà une expérience acquise, et nous pensons que, pour bien remplir le but proposé, il faudrait s’occuper de former de bons inspecteurs-voyers des chemins vicinaux ; mais il serait fâcheux d’ajourner leur amélioration jusqu’à l’époque à laquelle on aura pu former des sujets pour cette destination.

L’importance d’avoir de bons chemins étant actuellement bien sentie, on doit espérer que, dans un assez grand nombre de communes, il se trouvera des hommes éclairés et animés de l’amour du bien public, qui, convaincus par la lecture attentive des explications qui précèdent, de la possibilité et de la facilité d’appliquer utilement les moyens d’exécution décrits ci-dessus, se chargeront volontiers de diriger des travaux d’amélioration ; on doit espérer également que parmi les jeunes gens, actuellement en assez grand nombre, qui ont des notions élémentaires de géométrie et quelque connaissance des travaux, on en trouvera quelques-uns qui seront disposés à prendre la carrière nouvelle de conducteurs-voyers des chemins vicinaux, et à conduire et surveiller les travaux d’amélioration sous la direction supérieure et l’inspection des ingénieurs ou des propriétaires instruits qui voudront bien s’en charger.

Il n’est nécessaire d’avoir recours aux hommes de l’art que pour les tracés, ou pour les rectifications de pentes qui présenteraient des difficultés, ainsi que pour les pavages, pontceaux et aquéducs ; l’exécution des terrassemens et des chaussées en cailloutis, et leur entretien, n’exigent que de l’intelligence et des soins, et dès qu’on aura commencé, on verra que les difficultés sont beaucoup moindres qu’on ne le pense généralement, surtout pour les 1ers travaux qui sont les plus nécessaires, et, qui consistent à assurer d’abord l’écoulement des eaux et à établir simplement de bons chemins en terre. Il suffit, pour atteindre ce premier but, que quelques propriétaires éclairés, sans se laisser arrêter par la crainte exagérée des difficultés, prennent la résolution de s’occuper sérieusement, avec activité et persévérance, de ces améliorations, disposent, de concert avec les autorités locales, les moyens d’exécution et de surveillance, et se chargent de diriger l’emploi des moyens économiques et l’inexpérience des ouvriers qui en feront les premières applications.

On élèvera peut-être des doutes ou des objections relativement à l’usage et aux frais des instrumens que l’on conseille d’employer ? La réponse est facile : on observera d’abord que l’usage de ces instrumens n’est pas absolument indispensable pour l’application des procédés recommandés, et que ce sont simplement des moyens de faire les travaux indiqués, et surtout ceux d’entretien, mieux, plus vite et avec le plus d’économie possible, et que la différence entre le travail exécuté par ces instrumens sur les routes, et le même travail exécuté à la main, est tout-à-fait comparable à la différence qui existe entre la culture faite à la charrue et au rouleau, avec la culture faite à la bêche. Ainsi, un chevron tiré par un cheval coûtant 10 à 12 francs, rabattra et comblera plus d’ornières en un jour que cent ouvriers qui coûteraient 150 francs. De même, un cylindre tiré par 4 chevaux et conduit par deux hommes et coûtant de 30 à 35 francs par jour, aplanira et tassera plus vite et mieux, une lieue de chemin, que ne le pourraient faire 200 piloneurs, qui coûteraient 300 francs. De plus, comme les régalemens et les tassemens s’opèrent rapidement sur de grandes longueurs avec ces