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chap. 15e.
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DU FROMENT.
§ iii. — De la préparation du sol.

Une des circonstances les plus nécessaires à la réussite du froment, c’est que le sol soit net de mauvaises herbes et suffisamment ameubli, au moins à quelques pouces de sa surface ; car, après un labour profond, il n’est pas nécessaire de donner au soc une grande entrure avant d’exécuter les semailles.

Nous venons de dire, après un labour profond, et, en effet, ce serait se faire une fausse idée de la croissance du froment, de croire que, parce que ses racines se contentent, à la rigueur, de 5 à 6 pouces, elles ne sont pas susceptibles de s’étendre d’avantage. Il est de fait que leur longueur est proportionnée à l’épaisseur de la couche arable, et il est hors de doute que leur développement plus ou moins grand influe sur celui de la tige. Toutefois, pour que ce développement ait lieu même au-delà des limites ordinaires, il n’est pas indispensable que le sol ait été tout nouvellement remué à une grande profondeur. — On a même cru remarquer que cette céréale s’accommode mieux, après l’émission de ses premières racines, d’un fond de consistance moyenne, que de celui qui aurait été ameubli à l’excès, et que, généralement, elle craint moins les effets du déchaussement dans le premier que dans le second cas.

A la surface du sol, il faut aussi, par un autre motif, éviter plutôt que chercher à atteindre une pulvérisation complète. Les petites mottes que les cultivateurs aiment à voir sur leurs guérets après les semailles, ont l’avantage de retenir la neige, et, en se fendant plus tard à la suite des gelées, elles procurent aux jeunes plantes un utile rechaussement.

De tout cela il ne faut pas conclure que le froment se plaise sur des terrains peu ou mal labourés. La première observation doit engager seulement à ne pas donner trop de profondeur aux derniers labours, la seconde à modérer l’énergie des hersages ; et il n’en reste pas moins démontré que plus la terre a été ouverte aux gaz aériens, mieux elle est propre à la végétation du froment. — Le système de Tull, qu’avait en quelque sorte adopté Duhamel ; Celui que le major Beatson a cherché tout récemment à faire prévaloir, et dont on ne peut nier quelques-uns du moins des résultats, viennent à l’appui de cette vérité. — Il est évident que les petites mottes dont il a été parlé ne font qu’ajouter aux bons effets des labours, puisqu’elles multiplient les points de contact du sol avec l’atmosphère. C’est en grande partie pour se donner le temps de préparer convenablement les champs aux semailles d’automne, qu’on a si longtemps suivi sur une grande partie de la France, et qu’on suit malheureusement encore dans beaucoup de lieux, la coutume de jachères biennales ou triennales, et que, même d’après les méthodes de culture les plus perfectionnées, on a fréquemment recours à des jachères partielles. C’est par suite du même principe que les fromens succèdent généralement avec avantage aux cultures fumées qui ont exigé de fréquens binages ou des butages. Dans toutes ces circonstances, le but principal est atteint : la terre est nettoyée, suffisamment ameublie, riche sans excès, pénétrée des gaz atmosphériques. La coïncidence de ces deux dernières conditions, comme on a pu déjà le pressentir, semble acquérir une importance toute particulière relativement au froment, lorsqu’on songe que c’est une des plantes qui réussissent le moins bien sur les terres qui n’ont point été encore ou qui n’ont pas été depuis longtemps sillonnées par la charrue. Personne n’ignore, en effet, qu’après un défoncement sur une défriche quelconque, ou sur une vieille luzerne retournée, etc., le froment donne, comparativement à toutes les racines, et même à l’avoine, à l’orge et au seigle, de fort chétifs produits. Cependant, il faut se hâter d’ajouter que le trèfle, comme culture étouffante (voy. l’art. Assolement), lorsqu’il n’occupe le sol que peu de temps, et par cela même sans doute qu’il ne l’occupe que peu de temps, est une excellente préparation pour le froment. Cette exception, si on peut la considérer comme telle, est désormais bien connue.

Il serait impossible d’indiquer d’une manière précise le nombre de labours qu’il convient de donner pour préparer un champ aux semailles de blé, sans répéter en partie ce qui a été dit dans le chapitre v de ce livre, et dans la 3e section du chapitre ii, puisque ce nombre doit, de toute nécessité, varier en raison de la nature et de l’état du sol. — Sur une jachère, 3 ou 4 façons sont parfois insuffisantes ; — sur un trèfle rompu, — après une culture de vesce ou de sarrasin, — après une récolte de féverolles binées, etc., etc., — un seul labour peut, au contraire, assez souvent suffire.

Les cultures intercalaires, considérées comme préparation au semis du froment, doivent donc être prises en grande considération. On a cherché à établir, sur ce point, des règles générales à l’article Assolement ; nous croyons devoir en rappeler ici les conséquences pratiques : Dans les terres fortes, les fèves pour les blés d’automne, les choux pour ceux de printemps, lorsque leur réussite a été assurée par de riches engrais, sont généralement suivis d’une belle moisson. Si nous ne consultions que notre propre expérience, nous en dirions autant de la betterave, et il serait facile de trouver ailleurs bon nombre d’écrits et d’exemples à l’appui de notre opinion ; mais, comme nous n’ignorons pas que les avis des cultivateurs sont encore partagés sur ce point, nous laissons à l’avenir le soin de prononcer en dernier ressort, bien convaincus, pour notre part, que sa décision sera favorable. — M. Mathieu de Dombasle a reconnu, conformément à la pratique allemande, que le colza ou la navette précède ordinairement une belle récolte de blé ; nous avons pu fréquemment constater le même résultat sur divers points de la France, et, plus particulièrement, chez un habile cultivateur de l’Ouest, M. B. Cesbron, qui ne craint pas, dans ses assolemens, ordinairement très-fructueux, de faire venir régulièrement le froment après le colza. — Dans les terres franches, moins