Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/390

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tenaces que les précédentes, le trèfle est, ainsi que nous l’avons déjà dit, une des meilleures cultures préparatoires. Enfin, dans les sols encore plus légers, la lupuline peut, jusqu’à un certain point, le remplacer pour cette destination. Quant aux pommes-de-terre, l’opinion la plus répandue parmi les cultivateurs praticiens leur assigne une autre place ; et, quoique nous soyons fondés à dire qu’avec d’abondans engrais elles n’épuisent pas assez le sol et ne l’effritent pas tellement qu’on ne puisse obtenir après elles de beaux fromens, toujours est-il qu’à moins d’expériences répétées avec succès pour chaque localité particulière, nous ne voudrions pas recommander d’une manière générale de faire suivre immédiatement leur récolte d’une culture de froment, ou tout au moins de froment d’automne.

Les amendemens calcaires conviennent particulièrement à la culture du froment, dans tous les cas où l’on peut les employer conformément aux principes qui ont été développés ailleurs. — Dans les départemens où l’on fait un usage convenable de la chaux, on a remarqué que la qualité des blés s’est progressivement améliorée, non que les pailles y acquièrent des dimensions plus qu’ordinaires, mais parce que les épis y sont plus pleins et mieux nourris ; parce que la terre, disent les laboureurs, devient plus grainante. Ce fait, d’une grande importance, et sur lequel l’attention du cultivateur n’a pas été peut-être jusqu’ici assez attirée, si l’on s’en rapporte aux analyses répétées de Saussure, ne peut être dû à l’assimilation du carbonate de chaux dans l’acte de la nutrition ; car la petite proportion de ce sel qu’on retire par l’incinération des chaumes disparait dans les épis pour faire place à une quantité presque toujours assez considérable de phosphate de chaux. Mais, soit que ces phosphates apparaissent dans le sol en même temps que les carbonates, à mesure que la chaux change d’état, soit que cet oxide forme avec les engrais, conformément à l’opinion de Chaptal, de nouvelles combinaisons mieux appropriées aux besoins de la plante, toujours est-il que si l’explication est incomplète ou douteuse, les effets sont avérés. Il y a quelques années, diverses personnes employèrent des résidus d’os, dont on avait extrait en grande partie la gélatine ; le journal de la Société industrielle d’Angers constata les résultats avantageux de ces essais sur les fromens. L’un de nous fit aussi des expériences qui lui donnèrent à penser que le phosphate de chaux, malgré son apparente insolubilité, pourrait bien être un utile stimulant de la végétation des blés. Toutefois, comme ces os contenaient encore visiblement de l’engrais, la question dut rester indécise. — Il est fort à désirer que de nouvelles tentatives viennent jeter quelque jour sur la théorie si curieuse et encore si peu avancée des stimulans. — Qu’on ne perde pas de vue les effets prodigieux du plâtre sur les légumineuses.

Presque partout on emploie exclusivement les engrais de litière produits dans la ferme même, mais il y a deux manières de les appliquer : En se conformant aux anciens usages, on fume directement pour le froment ; et quoique cette méthode ait l’inconvénient de porter souvent dans le sol les germes de mauvaises herbes, ou de faire partiellement verser les récoltes, lorsqu’on ne peut disposer que d’une faible quantité de fumiers, elle est encore la meilleure, surtout si ces fumiers sont déjà en partie consommés lorsqu’on les répand. — D’après le nouveau système de culture, au contraire, la masse des engrais disponibles étant beaucoup plus considérable, et l’usage de les répandre moins consommés commençant à prévaloir, on fume abondamment les plantes sarclées qui ouvrent la rotation, et l’on obtient parfois ensuite, sans addition de fumier, jusqu’à deux céréales séparées par un trèfle, l’une la seconde, l’autre la 4e année. Une trop grande fertilité du sol est peu favorable à la production immédiate du froment, parce qu’en donnant lieu à une végétation luxuriante des chaumes, elle les conduit a l’étiolement, et que, si elle ajoute à la longueur de la paille, ce ne peut être qu’au détriment de la qualité du grain. Aussi peut-on dire sans paradoxe que les meilleures récoltes de blé ne se font pas toujours dans les champs les plus féconds.

Assez souvent, au lieu de les répandre immédiatement sur le terrain, on transforme les engrais en composts, en les mêlant à une certaine quantité de terre et de chaux. Cette méthode est fort bonne en pratique. Un de ses principaux avantages est de faciliter plus que toute autre l’égale répartition de la matière fécondante à la surface, et par suite dans la masse du sol. — Les cendres lessivées, celles de tourbe, etc., etc., ajoutent à la masse et à l’énergie de semblables mélanges, dont on a fait connaître ailleurs la composition, les proportions et le mode d’emploi.

Quant aux engrais pulvérulens, on les emploie, par supplément aux autres, plutôt pour des cultures intercalaires, telles que celles des choux, des colzas. des navets, des betteraves, etc., que pour le froment. Cependant, lorsqu’on veut éloigner dans une terre peu féconde le retour d’une fumure complète, on peut les utiliser fort bien pour préparer une récolte céréale. Selon qu’ils sont de nature à se décomposer ou moins ou plus vite, on les répand pour cela sur le trèfle avant sa dernière coupe, ou sur le froment même avant le hersage qu’on est, en certains lieux, dans l’usage de lui donner au printemps.

Pour les terres meubles naturellement sujettes à se soulever par l’effet des gelées, le parcage peut donner encore un engrais d’autant meilleur que le fumier de mouton augmente, dit-on, la quantité de gluten du grain, et que le piétinement du troupeau produit un plombage nécessaire. L’un de nous (M. Vilmorin) s’est toujours on ne peut mieux trouvé de faire parquer sur ses blés semés sous raie, dans les sols crétacés du Gâtinais, immédiatement après les semailles.

§ iv. — Choix des semences.

Notre vénérable confrère, M. Tessier, a soutenu par d’excellens raisonnemens et démontré par des faits positifs, que le renouvellement des semences ne peut être considéré