Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/391

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
chap. 15e.
377
DU FROMENT.

comme une chose généralement nécessaire, ou même utile à la belle qualité des blés. Cependant, tandis que les habiles cultivateurs du pays de Caux et de plusieurs autres parties du royaume semblent attester, par une longue et invariable pratique, la solidité de cette opinion, d’autres cultivateurs non moins éclairés suivent une marche contraire, et demeurent convaincus, après des expériences répétées, des avantages qu’elle leur procure.

La première solution qui se présente à l’esprit, de faits aussi contradictoires, est tout naturellement que le froment, comme le lin, le chanvre et la plupart des plantes cultivées, se conserve plus longtemps exempt de toute dégénérescence, et dans un état de belle végétation, en certaines localités, que dans d’autres. Qu’un tel résultat soit exclusivement dû à la nature du sol ou à des causes moins facilement appréciables, il n’en est pas moins positif et bien reconnu comme tel par toutes les personnes qui se sont un peu occupées de physiologie végétale, dans ses rapports avec la culture. Sans sortir des limites étroites de la France, nos jardins, nos champs en offrent de frequens et d’irrévocables exemples. D’un autre côté, les soins différens de culture peuvent influer beaucoup sur la qualité des produits. Toutes circonstances égales d’ailleurs, le fermier qui néglige les sarclages, les criblages, d’autant plus nécessaires pour lui que ses grains sont inévitablement plus salis de mauvaises graines, et qui ne chaule pas convenablement, ne peut espérer d’aussi belles récoltes que celui qui fait bien toutes ces opérations ; de sorte que, tandis que le premier se trouve fréquemment contraint de renouveler, le second peut n’avoir aucun intérêt à le faire ; car il serait aussi déraisonnable pour lui de changer sa bonne semence pour une semence moins pure et moins nourrie, par cela seul qu’elle aurait été récoltée hors de chez lui, qu’il devient indispensable au cultivateur négligent de chercher ailleurs ce qu’il n’a pas su se procurer sur son propre champ.

Selon nous, ce qu’il importe avant tout dans le choix des grains de semis, c’est qu’ils soient de bonne qualité, bien mûrs, et sans mélange de semences étrangères. La question du renouvellement nous semble secondaire toutes les fois que cette première condition a été remplie. Elle devient au contraire fondamentale lorsqu’il en est autrement.

Les fromens nouveaux doivent être, autant que faire se peut, préférés pour semences. Il résulte cependant d’essais multipliés et précis, dus aussi à M. Tessier, qu’il n’est pas indispensable de semer toujours le froment de la dernière récolte. Des blés récoltés en 1779, non seulement levèrent, mais donnèrent de fort bons produits en 1787, 1788 et 1789. D’autres semences de 2 et de 3 ans présentèrent des résultats encore plus satisfaisans. « On peut donc regarder comme certain, ajoute notre vénérable confrère, que le froment bien mûr, et soigné convenablement, conserve longtemps sa vertu germinative, et qu’au moins celui des deux ou trois dernières récoltes peut servir comme celui de la plus récente, ce qu’on a peine à persuader aux cultivateurs. Comme il est un peu plus longtemps à germer, à cause de sa sécheresse, il faut le semer un peu plus tôt. Ces remarques, appliquées à l’usage, offrent plusieurs avantages. Les ensemencemens en froment ancien sont utiles : 1o quand la dernière récolte est trop entachée de carie, dont le principe contagieux a moins d’activité dans les vieux fromens que dans les nouveaux ; 2o quand, la grêle ayant ravagé tous les champs d’un fermier, il ne lui reste pour ressource que les grains de ses greniers ; 3o dans les pays où la moisson retardée approche de trop près du moment où l’on doit ensemencer les terres, par exemple, dans les cantons montagneux ; 4o enfin, quand les grains de la nouvelle récolte ont une qualité commerciale supérieure à celle de la précédente, circonstance où l’intérêt du cultivateur et celui du public exigent que, de préférence, on sème ceux de la précédente. » (Nouveau Cours complet d’agriculture théorique et pratique.)

À ces observations importantes, nous n’ajouterons qu’une seule remarque. C’est que, dans le cas où l’on se verrait forcé d’employer de vieux blés, il serait prudent de les essayer d’avance en petit, afin de s’assurer si un certain nombre de grains n’ont pas perdu leur propriété germinative, et de pouvoir, dans l’affirmative, proportionner la quantité de semence à celle des bons grains.

§ v. — De la préparation de la semence.

Après le criblage, la seule préparation nécessaire, antérieurement aux semis, est le chaulage, opération fort importante, qui a pour but principal de détruire, à la surface des grains de blé, les poussières globuliformes qui servent à la reproduction de la carie et peut-être du charbon.

Le chaulage s’opère de plusieurs manières, et à l’aide de diverses substances. Dans quelques lieux, on emploie le sulfate de cuivre dissous et fort étendu d’eau. Dans d’autres, l’acide sulfurique affaibli, la potasse, etc., etc. Mais, de toutes les matières minérales, l’une des plus efficaces, des moins dangereuses à employer, des plus faciles et des moins dispendieuses à se procurer presque partout, est la chaux, qui a donné son nom à l’opération.

Le chaulage se fait par aspersion et par immersion. D’après la première méthode, tantôt on répand la chaux concassée sur le grain, puis on verse dessus, en ayant la précaution de remuer sans cesse le mélange, autant d’eau qu’il est nécessaire pour l’éteindre et la transformer en bouillie ; — tantôt on fait d’abord fuser la chaux à l’eau chaude, et on la répand ensuite sur le grain pour l’en imprégner entièrement à l’aide d’une spatule.

Pour chauler par immersion, après avoir fait, comme précédemment, fuser la chaux jusqu’à ce qu’elle se délaie en consistance de bouillie fort claire, on y fait tremper le blé, on l’y remue à plusieurs reprises, de manière que chaque grain soit enveloppé et soumis sur tous ses points à l’action caustique, et on ne le retire que plusieurs heures après. — M. Tessier pense que 6 boisseaux combles, ou 100 livres (50 kilogrammes) de chaux de