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AGRICULTURE : DES CEREALES ET DE LEUR CULTURE SPÉCIALE.

suelles, et bien plus encore à mesure qu’on approche de la fin de l’année. »

Le seigle de printemps ne se cultive guère que dans les pays de montagnes et dans les lieux ou des causes particulières empêchent les semailles d’automne. Comme les autres céréales de mars, il est moins productif que la race automnale. Toutefois, la récolte, au moins en grains, est souvent presque égale, et l’on ne doit pas être surpris de voir sa culture gagner depuis quelque temps sur divers points de la France.

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§ vi. — Du mode d’ensemencement, de la culture ultérieure et des produits comparatifs du seigle.

Le prix modique du seigle en grain, et la valeur assez importante de sa paille, qui augmente au lieu de diminuer quand on le sème un peu dru, parce qu’elle croit et s’effile davantage, font qu’il n’y aurait pas grand avantage, d’une part, à diminuer la quantité de semence, et de l’antre à espacer les touffes par un semis en lignes. Aussi, on sème toujours à la volée, et on recouvre à la herse ou à la charrue, en ne perdant jamais de vue qu’une trop grande profondeur serait une entrave à sa prompte germination. — Le seigle pourrit assez tacitement en terre.

Dans la plupart des provinces voisines des rives de la Loire, en Sologne, dans le Berry, partout où la culture en sillons est usitée, après avoir égalisé la surface du champ à la herse ou à la rabattoire (fig. 551), et repandu la semence, on l’enterre en reformant les ados par deux traits de charrue.

Un exemple curieux de la facilité que présente la culture des seigles a été rapporté autrefois par M. Tessier. Un fermier, qui en avait semé sous ses yeux, dans une terre nouvellement défrichée, en fit une belle récolte au mois de juillet. Il avait laissé passer de quelques jours l’époque précise de la maturité, et, connue la saison était très-sèche, il s’en égrena beaucoup. Au mois d’août suivant, il fit labourer sa pièce pour l’ensemencer en moutarde ; mais, s’étant aperçu ensuite qu’il levait une aussi grande quantité de seigle que s’il en eût semé de nouveau, il le laissa croître et se procura une récolte non moins abondante que la première, sans qu’il lui en ait coûté ni labour, ni semence.

Il peut arriver, et il arrive en effet dans des circonstances favorables, qu’en semant le seigle dès la fin de juin, ou même après une récolte enlevée de bonne heure en juillet, on peut le faucher ou le faire pâturer avant l’époque des grands froids, sans diminuer sensiblement les produits de la moisson suivante. —Il paraîtrait, d’après des renseignemens recueillis par M. Tessier, et consignés par lui dans le Cours complet d’agriculture de Déterville, que, dans le nord de l’Allemagne, c’est le seigle trémois qu’on applique à cet usage. Nous ne sachons pas qu’aucune expérience analogue ait été faite en France, où nous avons vu au contraire préférer constamment le seigle d’hiver, ou mieux encore celui de la Saint-Jean, dont on peut espérer faire une première coupe au commencement et une seconde coupe à la fin de septembre ou dans le courant d’octobre. — Malheureusement cette pratique, avantageuse dans les climats où les pluies d’été se succèdent avec quelque fréquence, n’est pas applicable partout ailleurs.

L’usage de cultiver le seigle mêlé à des proportions variables de froment, s’est conservé dans plusieurs départemens, ou l’on trouve que ce mélange, connu sous le nom de méteil, est plus productif que l’une ou l’autre céréale semée seule dans les mêmes proportions. En d’autres localités, le méteil a fait place à du froment pur. Nous croyons que c’est un bien, puisqu’il est certain que cette innovation ne peut être la suite que d’une amélioration du sol, et que le froment donne en définitive le meilleur pain. Néanmoins, nous ne pensons pas qu’on doive proscrire absolument la première méthode, encore assez fréquente dans le Midi, malgré l’inconvénient assez grave de la précocité plus grande du seigle. —M. le comte Louis de Villeneuve a eu l’heureuse idée, pour ses propriétes de la Haute-Garonne, de faire venir de la semence de seigle de la région la plus élevée de la montagne Noire, pour remplacer celle de la plaine, et il est ainsi parvenu à rapprocher sensiblement l’époque de la maturité des deux espèces. — Le seigle de la Saint-Jean, plus tardif que le seigle ordinaire, serait également propre au même usage.

Nous avons vu qu’à volume égal le seigle pèse sensiblement moins que le froment. Rarement ses produits en volume sont beaucoup plus considérables. En suivant l’assolement triennal, jachère fumée, froment et seigle, il arrive même que ce dernier, comme cela doit être, rend moins que le premier. Mais, lorsque les deux céréales sont mises, par rapport à l’engrais et à la nature du sol qui conviennent à chacune d’elles, dans des circonstances également favorables, le contraire a lieu.—Schwertz pour la Belgique et Arthur Young pour l’Angleterre, ont établi que le produit en volume du seigle est à celui du froment, dans le premier de ces pays, comme 12,28 : 11,80, et, dans le second, comme 9,58 : 9,39.—En France, nous avons éprouvé qu’en des localités différentes les résultats peuvent être complètement opposés. Dans des sols doux et légers, le seigle nous a donné environ 1,8 de plus que le froment ; dans les terres fortes, le froment a rendu au contraire beaucoup plus que le seigle ; aussi se garde-t-on, généralement, de le cultiver dans ces sortes de terre. Notre remarque ne contribue pas moins à faire mieux sentir la difficulté de pareils calculs, et le peu de foi qu’ils doivent inspirer lorsqu’ils ne sont pas basés sur des renseignemens précis et surtout nombreux.

Oscar Leclerc-Thoüin et Vilmorin .

Section iii. — De l’orge.

L’Orge (Hordeum, Linn.) : en anglais, Barley ; en allemand, Gerste ; en italien, Orzo, et en espagnol, Cebado, a des usages aussi nombreux qu’importans. Sa farine, quoique plus courte que celle du froment et même du seigle,