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liv. 1er .
AGRICULTURE : DES PLANTES CULTIVÉES EN GRAND.

Cette considération doit attirer surtout l’attention des cultivateurs qui habitent le nord, ou la période culturale est beaucoup plus restreinte que dans le midi.

Il ne faut pas confondre un sol argileux dans son état normal avec un sol marneux. Celui-ci participe des qualités des sols sableux et de celle des sols argileux, et se trouve être, dans bien des cas, le plus favorable à la production des pommes-de-terre, pourvu que l’élément calcaire y soit dans une proportion sensible. Si la chaux devient prédominante, le sol n’est plus propre à cette culture que dans quelques circonstances qui n’arrivent que de loin en loin, comme après un défrichement de sainfoin.

Une humidité surabondante est encore plus nuisible aux pommes-de-terre que la sécheresse. Dans ce dernier cas, la récolte peut être quelquefois réduite à fort peu de chose, il est vrai ; mais dans un sol où l’eau demeure stagnante, les pommes-de-terre qui ne sont point pourries se conservent avec beaucoup de peine, et ont des propriétés nuisibles sur la santé des êtres qui les consomment ; dans plusieurs circonstances, elles ont occasionné des épizooties qui ont causé des ravages incalculables. La surabondance d’humidité dépend souvent du sous-sol plutôt que du sol lui-même. On devra donc avoir égard, non seulement à la superficie, mais encore aux couches subjacentes.

Pour fixer les idées sur ce point, je donne la composition chimique des sols qui, dans la plupart des cas, conviennent à la culture des pommes-de-terre.

SOL. argile.
p. 100.
chaux.
p. 100.
humus.
p. 100.
sable.
p. 100.
OBSERVATIONS.
Glaizo-calcaire 
plus de 50 de 0,5 à 5,0 de 1,5 à 5,0 Le reste. Seulement pour les pays méridionaux.
Argilo-calcaire 
de 3,0 à 5,0 de 0,5 à 6,0 de 1,5 à 5,0 Le reste. Principalement pour les climats méridionaux.
Loameux‑argileux et sableux
ordinaire de 1, à 3,0 »       » de 1,5 à 5,0
Le reste.
Le reste.
Pour tous les climats.
calcaire de 1,0 à 3,0 de 0,5 à 5,0 de 1,5 à 5,0
Siliceux 
ordinaire de 0 à 1,0 »       » de 1,5 à 5,0 Le reste. Pour tous les climats.
calcaire de 0 à 1,0 de 0,5 à 5,0 de 1,5 à 5,0 Le reste. Convient peu aux pays méridionaux.
Marneux 
de 1,0 à 5,0 de 5 à 20 de 1,5 à 5,0 Le reste. Pour tous les pays.
Calcaire 
de 1,0 à 5,0 plus de 20 de 1,5 à 5,0 Le reste. Pour les pays septentrionaux

Quant au climat, le plus favorable pour la pomme-de-terre est celui qui est plutôt humide que sec, tempéré ou frais que chaud. Voilà pourquoi celui de l’Angleterre et surtout de l’Irlande lui conviennent si bien.

Il y a dans les pays méridionaux, même en France, un grave obstacle à la culture des pommes-de-terre sur les terrains trop siliceux. Lorsque les grandes chaleurs dessèchent le sol, la végétation demeure longtemps stationnaire ; les tubercules n’augmentent pas en grosseur. Quand, enfin, les pluies viennent arroser le sol et ranimer la végétation, ces petits tubercules, au lieu de se développer, poussent de nouveau des tiges, donnent de nouvelles fleurs, et ni les premiers produits ni les seconds ne peuvent remplir le but auquel on les destinait. Dans les années sèches, cette circonstance se rencontre déjà dans les environs d’Orléans.

Les terrains pierreux, et surtout ceux qui contiennent beaucoup de fragmens schisteux, sont peu propres aux pommes-de-terre. Ceux qui contiennent des cailloux roulés en produisent qui sont fort estimées pour leur saveur.

§ IV. — Place dans la rotation.

Lorsqu’on examine une plante relativement à son influence sur une succession de cultures, il faut examiner deux choses : son action chimique et son action mécanique. Sous le premier point de vue, plusieurs agriculteurs ont attribué aux pommes-de-terre une très-grande propriété épuisante. Schwertz les met dans la catégorie des plantes qui appauvrissent le sol ; Thaer est de la même opinion ; Parmentier et Victor Yvart sont d’un sentiment opposé, et s’efforcent de l’étayer par le raisonnement et les faits. Entre des opinions si diverses, nous ne pouvons mieux faire que de répéter avec un auteur qui était placé de manière à distinguer les causes de ces contradictions apparentes : « La meilleure récolte de pommes-de-terre n’épuise pas plus la matière organique assimilable aux plantes que la plus riche production de froment, de seigle, d’orge ou d’avoine. Si on donne un libre accès à l’humidité, la récolte la plus abondante de pommes-de-terre épuise moins le vieil humus que les céréales, et sur une fumure fraîche les élémens de fertilité et l’ancienne force ne sont pas assimilés en aussi grande proportion qu’après une récolte de céréales. La déperdition de matière organique pour le même poids de pommes-de-terre est d’autant plus grande que les tubercules contiennent plus de substance féculente, et d’autant moindre que les parties constituantes de la récolte sont plus aqueuses.»

Plus on donne de soin à la culture des pommes-de-terre, moins le sol est argileux et compacte, moins la production des tubercules nuit au sol. Une culture négligée qui favorise la multiplication des plantes parasites et resserre le sol, n’empêche pas seulement le développement des organes foliacés des pommes-de-terre, et par suite paralyse l’action de l’humidité atmosphérique, ce qui force les plantes à tirer leur nourriture dans le sol même, mais elle agit encore mécaniquement d’une manière plus ou moins défavorable à l’état d’ameublissement et de pulvé-