Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/496

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lait très-sensible. À cette époque on a beaucoup moins à redouter les empreintes que les pieds du bétail laissent sur la terre, parce qu’au printemps, même sur les sols spongieux et mous, ces empreintes s’effacent par suite de l’effet des gelées. Les engrais que le pâturage laisse dans les prairies leur sont aussi d’un grand avantage, surtout lorsqu’on a soin de diviser et épandre les excrémens des animaux, travail très-léger qui doit être imposé au berger. Le bétail à cornes trouve souvent jusqu’à la fin de novembre une bonne nourriture sur ces pâturages.

Les Anglais tiennent si fort à faire pâturer les prairies qui leur appartiennent en propre, qu’ordinairement ils n’en tirent qu’une seule récolte de foin chaque année ; qu’ils prolongent le pâturage de printemps pour les bêtes à laine, et que, bientôt après la fauchaison, ils mettent les bêtes bovines sur ces mêmes prairies, à moins que le voisinage des grandes villes, la facilité de se procurer des engrais et le prix du foin ne les engagent à adopter un autre système. Ils pensent généralement que dans les localités plus éloignées, partout où les cultivateurs ne peuvent compter, pour la production des fumiers, que sur les propres ressources de leurs fermes, un double fauchage quelque temps répété est une cause de ruine pour les herbages. — Assez fréquemment même ils consacrent des prés une année entière au pâturage, dans le but de les améliorer. Cette dernière méthode toutefois est, je suppose, peu fréquente et ne paraît pas fondée en raison ; car si le pâturage, en tant qu’il ne fait que retarder un peu la croissance des herbes, donne évidemment puisqu’il n’enlève en fertilité, il pourrait fort bien arriver le contraire lorsque la soustraction continuelle des feuilles priverait en grande partie les plantes de leur nourriture aérienne et que les racines fraient par conséquent à peu près seules chargées de l’entretien de la vie. Yvart a fait autrefois quelques expériences qui viennent à l’appui de cette théorie. « Nous avons divisé, dit-il, en deux parties des prairies qui avaient été jusqu’alors soumises au même traitement sous tous les rapports ; dans lesquelles la nature du sol, l’exposition et toutes les autres circonstances essentiellement influentes sur la végétation étaient aussi égales qu’il est possible, et que nous avions l’intention de défricher l’année suivante. Nous avons fait pâturer l’une, à diverses reprises, depuis le commencement du printemps jusqu’à l’époque du fauchage, et nous avons fait faucher l’autre, à laquelle les bestiaux n’avaient pas touché, à l’époque où la majeure partie des plantes entrait en fleurs. La totalité ayant ensuite été rigoureusement soumise au même traitement, défrichée et ensemencée en diverses natures de céréales et autres productions, nous avons constamment reconnu que la partie fauchée donnait des produits supérieurs à la partie pâturée. La différence était d’autant plus sensible, que la prairie était naturellement plus sèche et la terre de qualité moins bonne…..»

Un autre motif, résultant d’observations tout aussi positives, de ne pas laisser pâturer longtemps de suite une prairie, c’est que plusieurs espèces de graminées destinées à produire du foin, et plus spécialement celles qui atteignent une grande hauteur, supportent difficilement d’être souvent broutées. — En général, sur les terrains constamment pâturés, l’herbe s’épaissit, mais ne s’élève plus autant.

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§ ii. — De la dépaissance des pâturages.

Nous aurons encore sous ce titre deux choses à examiner : — 1° Quels sont les pâturages qui conviennent le mieux aux divers herbivores ? — 2° Comment, à quelle époque, et dans quelles proportions il convient de répartir ces derniers sur les herbages.

Les bêtes bovines sont, de toutes, celles qui endommagent le moins les herbages, en ce sens qu’elles broutent les herbes à une certaine hauteur, et que jamais elles ne les arrachent. Aussi, on doit leur réserver les pâturages les plus féconds, et de la meilleure qualité. — On a cru remarquer « que les herbages les plus nouveaux sont généralement les plus appropriés à l’état des jeunes animaux, parce qu’ils les développent et les nourrissent plus qu’ils ne les engraissent. Les herbages anciens, au contraire, dont l’herbe a plus de corps, plus de soutien, dont les sucs, moins aqueux, sont plus élaborés et plus disposés à l’assimilation, conviennent essentiellement aux animaux adultes, parce qu’ils leur procurent promptement l’embonpoint et la graisse dont ils ont besoin, lorsqu’ils sont consacrés à la boucherie ; on doit les dispenser avec beaucoup de sobriété au animaux qu’on désire conserver, pour le travail ou pour tout autre objet, dans un état moyen entre la maigreur et l’obésité, qui sont également à redouter. — Il est d’observation que les herbages les plus bas et les plus humides sont moins propres à engraisser les bœufs qu’à augmenter la quantité du lait des vaches, et on doit les destiner préférablement à ce dernier objet, lorsque les circonstances le permettent. — Les herbages élevés, ouverts et très-exposés à l’action des vents, conviennent moins aussi, pour la production du lait, comme pour l’engraissement, que ceux qui sont bas, clos, et abrités. — On observe encore en plusieurs endroits que les herbages nouveaux, aqueux, marécageux, garnis d’herbes grossières, sont plus convenables ordinairement à la fabrication du fromage qu’à celle du beurre qui, à son tour, est généralement plus abondant et de meilleure qualité sur les herbages anciens, sains et fertiles. — Enfin, on a observé également que le beurre se conserve plus longtemps, et qu’il est plus ferme et plus consistant lorsqu’il provient du pâturage dans les herbages anciens naturellement fertiles et non engraissés, que lorsqu’il résulte d’herbages alternés avec les cultures céréales qui ont exigé des engrais ou des amendemens, et surtout lorsque ces derniers sont d’une nature calcaire, ce qui doit être pris en considération dans les assolemens. » (Cours complet d’agriculture théorique et pratique.)

Le cheval tond l’herbe un peu plus court que le bœuf. Ses déjections, fortement alcalines, lorsqu’on n’a pas le soin de les dis-