Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/506

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et pareille quantité de foin (les diverses nourritures vertes étant réduites à cette espèce). Il a calculé que, lorsque ces animaux sont mis pendaut le jour au pâturage, ils ont assez de 4, 000 livres de paille et de la quantité de racines qui, réduite en foin, ferait l’équivalent de 3,800 livres : en tout 6,500. A Roville, les chevaux reçoivent par tête, pendant 6 ou 7 mois de l’année, une ration de 10 kilog. de foin ou de luzerne sèche, avec une addition de grains et de carottes qui représente encore une quantité à peu près égale de fourrage sec. Pendant le reste de l’année, ils sont nourris de fourrages verts avec un peu de grain, et l’on peut supposer que leur ration, pendant cette partie de l’année, forme l’équivalent de la ration donnée en fourrage sec. On ne peut donc s’éloigner beaucoup de la vérité, en évaluant à 20 kilog. de foin par jour, ou à 7,300 kilog. par an, la consommation de chaque cheval pour tous les genres de nourriture. — La ration des bœufs à l’engrais, tant en foin qu’en racines et en tourteaux, doit être considérée comme approximativement égale à celle des chevaux. — Celle des vaches peut s’évaluer à moitié de celle des chevaux et des bœufs à l’engrais. — Quant à la ration de la bergerie, elle est environ pour chaque tête de bête adulte, d’un kilog. de foin ou l’équivalent en racines ou en nourriture prise aux pâturages, etc. La consommation de chaque bête à laine représente donc à peu près 365 kilog. de foin par an.

Yvart portait, en terme moyen, d’après la pratique d’Alfort, la provende de chaque tête de gros bétail à 5 et 6,000 kilog.. quoiqu’il eût reconnu qu’elle est parfois beaucoup plus considérable ; tandis que Gilbert, faisant à la vérité abstraction des pailles, de l’avoine, du son, et, très-probablement, quoiqu’il ne le dise pas, des herbages de pâture consommés annuellement par les mêmes animaux, n’estimait qu’à 4,000 livres (2,000 kilog.) le fourrage sec qu’on leur donnait de son temps dans la généralité de Paris.

De ces données, telles diverses qu’elles soient, il ressort cependant une vérité utile : c’est que, si l’on ne peut présenter des calculs tout faits aux cultivateurs d’un pays entier, chacun, selon les circonstances et les lieux dans lesquels il se trouve, — d’après la connaissance qui lui est acquise des herbages, et, si je puis m’exprimer ainsi, de la capacité des animaux qu’il possède, pourra facilement arriver, pour son propre compte, à savoir combien, avec l’aide des pâturages et des racines fourragères, il lui faut d’étendue de prairies de diverses sortes, pour entretenir tel ou tel nombre de bestiaux ; et ceci est fort important, non seulement en théorie, mais en pratique, car il vaut mieux vendre du foin dans les années ordinaires, que des bestiaux dans les mauvaises, et les engrais qu’on obtient toujours en quantité plus considérable d’animaux copieusement nourris, l’augmentation de produit en chair, en laitage et même en force musculaire, sont des compensations plus que suffisantes à un léger surcroît de consommation.

Après avoir cherché ce qu’une étendue donnée de prairie peut nourrir de têtes de bétail, il reste à savoir combien de bestiaux, de toutes sortes on doit entretenir sur l’exploitation, pour obtenir la quantité d’engrais suffisante à la production des grains et des autres produits de la culture.

Dire au juste et d’une manière absolue ce qu’il faut de fumier pour fertiliser une étendue donnée de terre pendant un temps voulu, et, en étendant cette proposition, combien de têtes de bétail il faut pour produire les engrais raisonnablement nécessaires pour cela, est tout aussi difficile que d’indiquer de la même manière la quantité de tel ou tel herbage qui doit suffire partout à la nourriture d’un cheval, d’un bœuf, etc. — La qualité chimique, la disposition physique du sol ; — le retour plus ou moins fréquent des récoltes céréales ou industrielles ; — la durée des prairies artificielles et bien d’autres circonstances font varier la quantité d’engrais en raison de la fertilité du sol. Ainsi, dans un champ crayeux où l’on ne peut rien obtenir qu’à force de fumiers ; — dans un sable qui laisse s’écouler avec l’eau des pluies tous les sucs extractifs qu’il contient ; — en des localités où deux piailler, comme le froment et le lin ou le chanvre, se succèdent sans interruption, on ne jugera certainement pas qu’il ne faille pas plus d’engrais que dans une terre franche, profonde et substantielle ; — sur un fonds argilo-sableux assez compacte pour retenir au profit des racines l’eau et les engrais qu’elle dissout ; — sur un champ rendu tous les 5 ou 6 ans à la production des herbages naturels ou artificiels, ou fécondé de 4 en 4 ans par une récolte partiellement enfouie, etc.

Cependant, à défaut de règles bien précises et bien générales, il n’est pas impossible d’arriver à des données utiles. — Pour les fermes dites à grain, nous avons vu un agronome praticien, bien connu par ses belles expériences sur les assolemens, trouver que, chez lui (Voy. pag. 267), chaque bête bovine ou chevaline consommait tout juste, en paille de froment et d’avoine et en fourrages verts et secs, ce que peut fournir un demi-hectare de chaume de ces céréales, et un demi-hectare de bonne prairie artificielle, tandis qu’elle donnait en fumier 12 tombereaux de 3,600 à 4,000 livres chacun (l,800 à 2,000 kilog.) par an, c’est-à-dire autant qu’il en faut dans l’assolement adopté à la Celle-Saint-Cloud, de sorte qu’il arrivait à cette conclusion qu’une seule tête de bétail suffit pour deux hectares et qu’un quart de l’exploitation seulement doit être cultivé en prairies artificielles.

Aux yeux de beaucoup de ceux qui se sont soigneusement occupés de leur comptabilité agricole, la culture des grains est une des plus productives, sinon la plus productive, pour la grande généralité de la France, lorsqu’elle est bien combinée ; car, soit dit en passant, si on la charge, comme dans l’assolement triennal avec jachère, de 3 années de loyers et d’impôts du terrain pour deux récoltes ; — du prix exorbitant des labours de la première année et de celui des engrais, il est fort douteux qu’elle donne habituellement, et je pourrais attester qu’il est même assez rare qu’elle donne un bénéfice net de quelque importance. — Le propre d’un mauvais assolement est à la fois de diminuer la production des fumiers et d’augmenter le