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Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/507

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besoin qu’on éprouve de s’en procurer. — Le but d’un bon assolement est, au contraire, non seulement d’ajouter à la masse des engrais, mais encore de les employer, à quantité égale, bien plus profitablement et par conséquent plus économiquement; d’où il doit résulter non seulement que sur des étendues égales on obtient plus de blés, mais encore qu’il est possible d’étendre davantage leur culture sur la ferme. — On sent combien il serait avantageux qu’un quart de la propriété pût suffire pour fumer tout le reste. Toutefois, il devient indispensable de faire observer, à propos de l’exemple que je viens de citer, que d’une part M. de Vindé récolte par hectare, tout regain compris, jusqu’à 1200 bottes de fourrage, poids marchand de 10 à 11 livres, c’est-à-dire plus de 12,000 livres, ce qui serait, pour beaucoup de lieux, une estimation évidemment forcée ; et que de l’autre, en nourrissant ses troupeaux de toutes sortes à l’étable et en leur donnant une litière très-abondante, il obtient une quantité d’engrais qui dépasse, par tête de bétail, ce qu’on peut espérer dans les circonstances ordinaires (de 21,600 à 24,000 kilog.).

À Roville, la nourriture de chaque cheval étant, comme il a été dit plus haut, de 7,300 kilog., la quantité de fumier produite par tête est de 25 voitures du poids moyen de 650 kil. chacune, en tout 16,200 kil. ou 222 kil. de fumier par 100 kil. de fourrage ; et cependant la litière est toujours en quantité suffisante pour absorber toutes les urines, car l’écurie est construite de manière qu’aucune partie de ces dernières ne peut en sortir, en sorte qu’on est forcé de les faire absorber dans la rigole qui règne derrière les animaux. — Quant aux bœufs à l’engrais, M. de Dombasle a trouvé bien souvent qu’une écurie contenant 12 de ces animaux, du poids de 3 à 400 kil. chacun, donnait 9 voitures de fumier par semaine, ce qui fait, par tête de bœuf, pour l’année entière, 39 voitures, soit 25,300 kil., c’est-à-dire beaucoup plus que les chevaux, quoique la masse des alimens soit à peu près la même. Cette différence vient d’abord de ce que ces derniers passent une partie du temps hors de l’écurie, tandis que les bœufs n’en sortent pas pendant toute la durée de l’engraissement ; et, probablement aussi, de ce que les excrémens du bœuf, étant plus liquides que ceux du cheval, exigent plus de paille pour les absorber. — Les vaches, dont la ration est environ moitié moindre que celle des bœufs, produisent du fumier à peu près dans la même proportion que ces derniers relativement à la quantité de nourriture, c’est-à-dire approchant d’une vingtaine de voitures. — Les moutons produisent environ 600 kil. de fumier chacun, en déduisant celui que l’on peut raisonnablement imputer aux agneaux, et celui qui est disséminé au parcage. Comme ils consomment par tête de bête adulte 1 kil. de foin ou l’équivalent, on voit que 100 kil. de foin ne produisent ici que 164 kil. de fumier[1]. — Enfin les cochons, dont le nombre est très-variable sur la ferme, donnent encore une certaine quantité de fumier qui n’a pu être évaluée comparativement à la nourriture de chaque animal.

D’après ce calcul, chaque cheval produisant 25 voitures de fumier, si l’on estime à 50 de ces voitures la quantité nécessaire pour fumer un hectare, il faudra 2 chevaux par hectare ; — un peu moins de 2 bœufs de travail ; — environ 1 ½ bœuf à l’engrais ; — 3 vaches ; — et, en admettant qu’on ne fît jamais parquer les moutons, environ 50 de ces animaux dont je suppose ici que les excrémens auront été réunis à la masse générale des engrais pour compenser le défaut d’énergie de ceux des bêtes à cornes.

À la vérité, au lieu de 50 voitures de fumier, c’est-à-dire de 32,500 kil. par hectare, il est des lieux où l’on en met et où l’on peut en mettre raisonnablement moins ; mais il en est aussi où cette quantité ne paraîtra que suffisante. À la vérité encore, ce n’est pas à beaucoup près tous les ans qu’il faut revenir à une pareille fumure. Il est des terres qui ne comportent pas une grande quantité d’engrais à la fois, mais qui ont besoin d’être fumées souvent ; — d’autres au contraire qui gardent mieux l’engrais, de sorte que ce ne peut être qu’après avoir fait une étude approfondie des divers terrains de chaque exploitation, de l’assolement qui lui convient le mieux et de l’étendue de soles qu’on devra fumer chaque année, qu’il deviendra possible de savoir de combien d’engrais on aura besoin.

En quelques circonstances on fume tous les deux ans ; — le plus souvent, c’est tous les trois ou quatre ans ; — parfois seulement tous les six ans. — Dans l’assolement quadriennal, que je prendrai pour terme moyen, pour peu que les terres soient de bonne qualité, on ne répand annuellement de fumier que sur un quart de celles qui sont régulièrement assolées. (Voy. l’art. Assolement.)

Ainsi, partout et toujours en agriculture, les circonstances locales veulent être d’abord attentivement étudiées. Le savoir qu’on rencontre dans les livres doit pouvoir faciliter cette étude, et, lorsqu’ils sont bien faits, guider encore l’esprit intelligent vers les améliorations possibles. Heureux l’auteur consciencieux qui pourra approcher de ce double but, et qui saura faire comprendre l’utilité des théories en les dépouillant du faux brillant dont on les a trop souvent entourées !

Section iv. — Des diverses plantes fourragères propres à être cultivées sous le climat de la France.

[18:4:1]

§ ier. — Des graminées.

La famille des graminées, dont les semences farineuses fournissent aux habitans d’une grande partie du monde leur principale,

  1. A la vérité, le fumier de mouton est plus puissant et plus actif, à poids égal, que celui de bœuf, de vache et même de cheval ; mais il ne demeure pas moins démontré, par de semblales faits, que l’évaluation par tête de bétail, lorsqu’il s’agit de la production du fumier, est fort différente de celle qu’on peut faire, quand on n’a en vue que la quantité de nourriture nécessaire à chaque animal. O. L. T.