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liv. ier.
AGRICULTURE : SOL.


Cela explique encore pourquoi l’argile et les terres contenant de l’humus, si elles possèdent en même temps la porosité convenable, sont ordinairement des plus fertiles, l’absorption de l’air ayant lieu très-facilement dans ces sols.

Utilité de l’aérage des sols. — Depuis long-temps on a constaté généralement l’utilité de cette pratique, qu’on opère, soit par des labours ou même des défonçages faits à l’avance, soit par des trous profonds creusés plusieurs mois avant la plantation des arbres.

Ces travaux ont plusieurs effets utiles : — 1o Ainsi que nous l’avons démontré plus haut, les terres exposées sur une grande surface aux alternatives de sécheresse et d’humidité, aux variations de la température, se divisent, deviennent plus poreuses, plus facilement perméables aux racines, et plus absorbantes. — 2o L’air et les gaz absorbés sont indispensables, soit à la germination, soit au développement des plantes : c’est ainsi que diverses graines, et de même les tubercules des pommes-de-terre, ne peuvent germer à une profondeur quelquefois peu considérable, où la formation et le séjour de l’acide carbonique a exclu ou combiné tout l’oxigène de l’air. — C’est ainsi que l’on conçoit comment des graines enfermées dans le sol, et même des pommes-de-terre, y peuvent séjourner une, deux ou plusieurs années sans pousser, tandis que ramenées par hasard ou à dessein près de la surface, elles développent rapidement une belle végétation.

§ X. — Faculté d’absorber et de retenir la chaleur.

Cette propriété des sols est fort importante ; en effet, elle offre une des plus puissantes causes de l’activité végétative ; détermine la germination ; compense en partie les inégalités brusques de température de l’atmosphère entre les jours et les nuits, comme entre certaine jours ; évite les transitions trop brusques qui sont si nuisibles aux plantes et aux animaux, et constitue la principale cause de la température générale de la surface du globe, qui peut entretenir la vie des animaux et des plantes. Fourier a démontré, en effet, que la chaleur centrale avait peu d’influence aujourd’hui sur la température de la croûte terrestre. La température de l’atmosphère au milieu de laquelle nous vivons, est, en conséquence, entretenue à peu près exclusivement par l’absorption des rayons calorifiques solaires.

Les différentes sortes de terre sont échauffées différens degrés par les rayons du soleil ; cet effet doit avoir une grande influence sur la végétation, principalement lorsque, au printemps, la terre n’est pas encore ombragée par les feuilles. — C’est sur cette propriété que se fonde en général la dénomination de sol froid ou chaud ; et, quoique l’agriculteur ne semble pas indiquer par là des caractères certains, ils sont néanmoins conformes aux données précédentes. En effet, un sol formé d’une argile humide et de couleur claire sera beaucoup moins et plus lentement échauffé par le soleil qu’un sol sableux de couleur foncée ; ce que le thermomètre peut démontrer facilement. Une terre de jardin, noire et contenant de l’humus, s’échauffera beaucoup plus qu’une terre maigre, calcaire ou argileuse.

Le degré d’échauffement des différentes terres dépend surtout des 4 circonstances suivantes : 1o De la nature de la superficie de la terre ; — 2o De la composition des terres ; — 3o Des différens degrés d’humidité de la terre lorsqu’elle est exposée au soleil ; — 4o Des différens angles que forment les rayons du soleil en tombant sur la superficie du sol.

Diverses expériences ont été entreprises pour déterminer numériquement les facultés des sols pour absorber et retenir la chaleur ; mais elles n’offrent pas assez d’exactitude pour être rapportées ici. Les considérations suivantes nous semblent de nature à donner des notions suffisantes et plus certaines.

Au 1er rang des conditions d’absorption du calorique il faut placer la couleur la plus foncée ; la moyenne d’un grand nombre d’essais a fait voir que la coloration en noir d’un sol blanchâtre peut augmenter de 50 p. 100 sa propriété absorbante. Lampadius a démontré l’efficacité puissante de cette coloration, en recouvrant d’un pouce de charbon en poudre la surface de la terre d’une caisse où des melons cultivés à découvert vinrent à maturité pendant l’été frais de 1813 dans le district des mines de Saxe. La température s’éleva de 37 à 48°, tandis qu’à la superficie du sol ordinaire elle resta entre 25 et 38°. Le noir animalisé, dont nous parlerons en traitant des engrais, produit un effet semblable ; enfin les murs des espaliers peints en noir hâtent et complètent la maturation des fruits.

Pour apprécier l’influence de la couleur de la surface de la terre sur l’échauffement du sol, on fit les essais suivans : des quantités égales de différentes terres furent mises dans des vases d’une égale contenance et d’une superficie de quatre pouces carrés pour un demi-pouce de profondeur, au milieu et au fond desquels étaient placés les boules de thermomètres comparés, capables d’évaluer un dixième de degré. On exposait à l’ardeur du soleil un de ces vases avec sa surface de couleur naturelle ; la superficie de l’autre était teinte en noir, au moyen de noir de fumée, saupoudré à l’aide d’un tamis ; le troisième était coloré en blanc par le moyen de la magnésie carbonatée très-fine et très-blanche. On laissa chaque fois ces vases exposés à l’ardeur du soleil pendant un laps de temps égal, sous un ciel serein (dans les mois d’été entre onze heures et 3 heures, ordinairement pendant 1 heure). En général, une surface noircie acquérait une température plus forte. La température de l’argile teinte en blanc augmentait, par l’action du soleil, de 16° centigrades, pendant que la température d’une quantité égale de terre colorée en noir augmentait de 24°. — Cette augmentation de température, occasionée par les surfaces noires, n’est pas seulement passagère, mais elle demeure constamment plus forte pendant toute la durée de l’action solaire. Exposez au soleil pendant des heures entières les mêmes espèces de terre, avec des surfaces noires et blanches, celles-ci auront constamment une température moindre. — C’est encore sur ce fait que se fonds la pratique de semer au printemps