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chap. 2e.
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FACULTÉ D’ABSORPTION DES TERRES POUR LES GAZ.

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§ viii. — Propriété des terres pour absorber l’humidité atmosphérique.

Cette propriété des terres, évidemment favorable à la végétation, est principalement utile durant les temps secs, afin de compenser en partie par l’absorption dans la nuit, l’énorme évaporation opérée pendant le jour.

On a soumis cette propriété à une mesure approximative à l’aide de plaques en fer blanc, sur lesquelles on répandait en une couche unie des quantités égales des différentes terres en poudre fine et sèche. Ces terres étaient exposées à un air également chargé de vapeur d’eau, en les enfermant à la même température (de 15 à 18 degrés) sous une cloche de contenance égale et qui était fermée en bas par de l’eau. Après 12, 24, 48, 72 heures de temps, la terre, pesée avec la plaque, indiquait la quantité d’eau absorbée.

SUBSTANCES TERREUSES.
Absorption de 500 centigrammes de terre, étendus sur une surface de 36.000 millimètres carrés.
12 h. 24 h. 48 h. 72 h.
cent. cent. cent. cent.
  Sable siliceux 
0, » 0, » 0, » 0, »
  Sable calcaire 
1,0 1,5 1,5 1,5
  Glaise maigre 
10,5 13,0 14,0 14,0
  Glaise grasse 
12,5 15,0 17,0 17,5
  Terre argileuse 
15,0 18,0 20,0 20,5
  Argile (pure ou sans sable) 
18,5 21,0 24,0 24,5
  Terre calcaire fine 
13,0 15,5 17,5 17,5
  Magnésie carbonatée 
34,5 38,0 40,0 41,0
  Humus 
40,0 48,5 55,0 60,0
  Terre de jardin 
17,5 22,5 25,0 26,0
  Terres arables 
8,0 11,0 11,5 11,5
7,0 9,5 10,0 10,0

Remarques générales sur le tableau qui précède : — 1o Les terres absorbent plus pendant les premières heures ; l’absorption diminue à mesure qu’elles ont acquis plus d’humidité, et cesse après quelques jours ; les terres alors paraissent être saturées ; elles absorbent plus pendant la nuit que durant le jour, sans doute en raison de la température moins élevée dans le 1er cas. — 2o De toutes les substances terreuses, l’humus absorbe le plus d’humidité, et surpasse même, pour cette faculté, le carbonate de magnésie. — 3o Les argiles absorbent d’autant mieux l’humidité, qu’elles contiennent moins de sable, mais jamais autant que l’humus. — 4o Le sable siliceux absorbe à peine l’humidité, ainsi que le sable calcaire ; ils forment ainsi un sol aride, sec, chaud. — 5o Quoique les terres absorbent ordinairement d’autant plus d’humidité qu’elles contiennent plus d’humus, la fertilité du sol ne peut se juger par cet indice seul ; car l’argile, la terre calcaire fine et la magnésie, absorbent beaucoup d’humidité sans contenir d’humus ; d’ailleurs, une terre de jardin très-fertile, qui contenait 7,2 pour cent d’humus, absorbait en 12 heures 17,5 d’humidité ; une terre arable fertile, 8,0, tandis que l’argile infertile seule absorbait, dans le même espace de temps, 18,5 ; la terre calcaire, 13,0, et la magnésie carbonatée, 34,5[1]. — 6o Cette faculté est souvent, mais non dans tous les cas, proportionnée à la faculté des terres pour retenir l’eau ; elle s’accorde moins avec la faculté de se dessécher. Au reste, l’inégalité de la surface et le volume de la terre influent beaucoup sur ces phénomènes.

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§ ix. — Faculté d’absorption des terres pour les gaz.

Cette propriété est encore fort importante à considérer ; elle n’a pas été éprouvée d’une manière assez approximativement exacte pour que nous reproduisions les nombres trouvés. — Il est probable qu’elle est relative à la faculté de retarder l’évaporation de l’eau, d’autant plus que l’état de porosité lui est également favorable. Elle suivrait donc à peu près l’ordre indiqué par les nombres du tableau du § V, surtout pour les sables et les 5 dernières substances ; les argiles feraient seules exception dans leur état plastique, tandis que légèrement calcinées (brûlées), elles peuvent devenir très-absorbantes pour les gaz.

L’utilité d’absorber et de retenir les gaz est évidente ; car les uns, comme l’oxigène de l’air, sont indispensables à la germination ; les autres, et notamment tous ceux qui renferment du carbone ou de l’azote, sont utiles à la nutrition des plantes, ou pour stimuler leur force végétative ; c’est par suite de ces deux effets que des terres infertiles à une certaine profondeur, peuvent devenir fécondes par un aérage de quelques mois.

Il est démontré, en effet, par un grand nombre de faits, que l’oxigène joue un grand rôle dans l’économie animale et végétale, qu’il favorise beaucoup le développement des parties organiques, principalement la germination des semences, selon les observations de MM. Th. de Saussure et De Candolle. Par la culture et le labourage, plusieurs couches de terre sont mises en contact avec l’air, et, pour ainsi dire, fertilisées par l’absorption de l’oxigène. Ces travaux sont d’autant plus nécessaires, que l’oxigène ne pénètre que lentement à plus de quelques lignes de profondeur, étant d’ailleurs souvent rencontré par des substances organiques avec lesquelles il produit des combinaisons, et notamment de l’acide carbonique.

Si l’on compare plusieurs couches de terres arables, on remarque toujours que les plus profondes sont moins fertiles que celles qui sont en contact immédiat avec l’atmosphère, et qu’il faut quelque temps pour les faire arriver à un même degré de fertilité, même quand leur composition chimique est identique à cela près des gaz interposés. On remarque souvent ce phénomène sur les terres nouvellement défrichées, qui, ayant été autrefois fertiles, paraissent avoir perdu momentanément cette qualité pour avoir été privées long-temps de l’influence de l’air.

  1. Davy, dans ses Élémens de chimie agricole, avait comparé la faculté d’absorber l’humidité de plusieurs espèces de terres arables, et avait toujours trouvé qu’elle était plus grande dans les terres fertiles ; de sorte qu’il indique cette propriété comme une marque de la fertilité du sol.