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liv. ier.
AGRICULTURE : SOL.

ans, dans les commencemens, une nouvelle culture sarclée remplace une culture non sarclée ; il ne faut pas qu’une jachère non labourée vienne permettre au sol de se tasser de nouveau, et aux plantes inutiles de se multiplier en produisant leurs semences. C’est au moyen d’une pareille culture qu’on approfondit sans inconvénient le sol d’un à plusieurs pouces, et qu’on rend, avec le temps et sans frais, très-productifs des terrains qui payaient d’abord à peine leurs frais de culture.

L’effet, nuisible pour les premières récoltes, du mélange du sous-sol avec la terre végétale, a fait rechercher des instrumens avec lesquels on put remuer et ameublir la couche inférieure, sans la retourner et la remuer à la surface immédiatement et avant qu’elle ait pu être améliorée par l’infiltration des engrais et par les influences atmosphériques. M. le Mis de la Boessière a inventé pour cet usage une machine qu’il a appelée drague à claies[1], et qu’on peut comparer à une très-grande et très-forte ratissoire de jardin, montée sur quatre roues, et assez solide pour résister aux efforts les plus puissans. Cette machine parait bien remplir son objet ; nous regrettons de ne pouvoir la décrire ni la figurer ; on lui reproche avec quelque fondement d’être trop compliquée, trop dispendieuse, et de nécessiter l’emploi de 10 à 12 chevaux pour la faire fonctionner. M. Vilmorin emploie dans sa pratique, pour augmenter l’épaisseur de la couche arable d’un à cinq pouces, sans mêler immédiatement cette terre non préparée avec celle de la surface, le cultivateur ordinaire, ou buttoir à pommes-de-terre, instrument très simple, et qui commence à être assez généralement répandu. Pour lui donner cette destination, il suffit d’en enlever les versoirs ou oreilles, et de lui faire suivre la charrue, dans le même sillon ouvert par elle, en l’attelant d’un cheval ou de deux chevaux placés à la file.

§ IV. — Imperméabilité du sous-sol pour les eaux.

C’est le plus communément à l’imperméabilité de la couche inférieure qu’est due la trop grande humidité du sol : lorsqu’il en est ainsi, et que le terrain n’a pas de pente, l’eau, ne pouvant ni s’égoutter ni s’écouler, est retenue comme dans un bassin, la terre meuble devient semblable à une bouillie, et cette humidité excessive est très-nuisible à la plupart des plantes cultivées ; ces terrains, dans leur état naturel, ne peuvent être ressuyés qu’à la longue par l’évaporation. On voit d’après cela combien il importe de bien étudier, dans les champs qu’on veut exploiter, la nature du sous-sol, puisqu’en livrant aux eaux un passage trop facile ou trop difficile, il en résulte que la couche de terre labourable est exposée à être trop desséchée, ou imbibée et même noyée entièrement.

Une couche d’argile sous un sol sablonneux contribue à sa fertilité, en retenant l’eau qui filtre trop facilement au travers, et en y conservant une humidité plus constante ; mais si la couche d’eau retenue par l’argile mouille trop les racines, les plantes languissent. Un sol argileux ou marneux qui repose sur un lit de pierre calcaire et poreuse, est plus fertile que lorsqu’il est assis sur de la roche dure, imperméable à l’eau : parce que dans le 1er  cas l’eau filtre et s’échappe, tandis que dans le second elle reste stagnante dans un sol pâteux qui ne retient déjà que trop d’humidité.

On ne peut guère remédier au défaut de laisser passer les eaux comme un tamis que par des moyens indirects, c’est-à-dire en humectant le terrain par des irrigations supérieures ou souterraines lorsque cela est possible, ou en l’abritant de l’action des vents desséchans et du soleil au moyen de plantations en bordures.

Quant à l’imperméabilité du sol inférieur pour les eaux, on en diminue les inconvéniens en donnant les labours par sillons plus ou moins relevés, en pratiquant des écoulemens dans les champs et les prairies, au moyen de saignées plus ou moins profondes et nombreuses, ou bien en formant des couches de cailloux ou de pierrailles sous la terre végétale. En Angleterre, où l’excès de l’humidité a fait plus qu’en France chercher les moyens d’y obvier, on est dans l’usage de percer de nombreux trous de sonde les couches inférieures qui retiennent les eaux, lorsqu’elles sont d’une nature compacte, d’une épaisseur peu considérable, et ont au-dessous d’elles une couche perméable ; on doit pratiquer ces trous dans les endroits où le terrain offre de la déclivité, et dans ceux où les eaux s’amassent davantage à la surface. Au reste, nous devons renvoyer pour plus de détails à ce sujet au chapitre des desséchemens, et à la section qui traite des propriétés physiques des sols pour apprendre à reconnaître dans le sous-sol les qualités ou les défauts que venons de signaler ; on peut aussi consulter sur le dessèchement des terres argileuses et humides, sujettes à être annuellement inondées, les considérations que nous avons publiées pour servir de programme au prix mis au concours par la Société royale et centrale d’agriculture.[2]

§ V. — Principaux sous-sols qu’on rencontre en agriculture.

Dans l’impossibilité de spécifier les variétés des couches inférieures aux terres arables, et qui sont multipliées à l’infini, nous citerons, d’après Thaer, celles qu’on rencontre le plus communément.

Lorsque le sous-sol est marneux ou calcaire, et que la couche supérieure offre à peine des traces de chaux, l’approfondissement du sol, par le défoncement complet ou successif, produit des effets surprenans, et l’améliore en même temps d’une manière durable, parce que la marne, quelque tenace qu’elle soit dans les couches inférieures, lorsqu’elle est amenée à la superficie et mise en contact avec l’air, se divise et se pulvérise, de ma-

  1. Voyez Annales d’Agriculture française. Février 1834.
  2. Du dessèchement des terres cultivables sujettes à être inondées, pour servir de Programme au prix propose par la Société royale et centrale d’agriculture, sur le dessèchement des terres argileuses et humides, au moyen de puisards artificiels, de sondages, etc. — Paris, in-8o, chez Mme Huzard