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chap. 3e.
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MOYENS D’EMPLOYER LA CHAUX SUR LE SOL.


du climat ; et puis nos voisins consomment au moins un quart ou un cinquième de viande dans leur nourriture, tandis que notre population n’en consomme pas un quinzième. Or, comme il faut douze à quinze fois plus d’étendue pour produire la viande que le pain, il s’ensuit qu’il faut, pour nourrir un Anglais, presque une fois plus d’étendue que pour nourrir un Français ; d’où il résulte qu’avec l’accroissement d’un tiers en sus, notre population serait encore une fois plus au large pour sa nourriture que la population anglaise.

Mais cette prospérité du pays, sans doute encore bien éloignée de nous, vers laquelle cependant nous marchons chaque jour, serait encore bien moindre que dans le département du Nord, où un hectare nourrit presque deux habitans ; et cependant ils ont encore plus du sixième de leur sol en bois, marais et terres non productives ; ils ont en outre un autre sixième de leur meilleur sol en récoltes de commerce qui consomment une grande partie de leurs engrais, et qui s’exportent presque en entier. Ce résultat prodigieux est sans doute dû en partie à une étendue de bon sol plus grande là qu’ailleurs ; mais il est dû surtout, aussi bien qu’en Angleterre, à l’emploi régulier des amendemens.

Après ce grand résultat sur la production, celui sur la salubrité, quoique s’appliquant à de moindres étendues, serait encore très-précieux ; sur un sixième au moins de notre sol, la population est maladive, sujette à des fièvres intermittentes souvent funestes, et les morts dépassent les naissances. Eh bien ! sur ce sol sans marais les agens calcaires détermineraient une progression de population croissante, celle qui règne dans nos pays sains, et comme le travail s’offrirait de tous côtés, ces pays assainis seraient bientôt ceux où la population serait la plus heureuse, la plus riche, et croîtrait le plus rapidement.

Section ii. — Des amendemens calcaires.

Les principales substances que nous comprenons sous le nom d’amendemens calcaires sont la chaux, la marne, les plâtras et débris de démolition, le falun ou substances coquillères.

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Article ier. — Du chaulage ou de l’emploi de la chaux comme amendement.

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§ ier. — Des terres auxquelles la chaux convient.

Nous avons vu qu’au milieu de l’immense variété des substances et des combinaisons diverses qui composent les premières couches terreuses du globe, trois substances, la silice, l’alumine et la chaux, forment à peu-près exclusivement la surface du sol. Nous avons vu également quels sont les qualités et les défauts des terres où domine l’un ou l’autre de ces principes. Les amendemens bien appropriés portent avec eux sur les sols les qualités qu’ils n’ont pas, et c’est notamment le principe calcaire et ses diverses combinaisons qu’on emploie à cet effet. Il suffit de les y répandre en petite proportion : une quantité de chaux qui ne dépasse pas un millième de la couche labourable, une même proportion de cendres lessivées, un deux-centième de marne, suffisent pour modifier la nature, changer les produits, accroître de moitié les récoltes dans le sol qui ne contient pas le principe calcaire.

La chaux convient aux sols qui ne contiennent pas déjà en excès les combinaisons calcaires. Tout sol composé de débris granitiques, de schistes, presque tous les sols sablo-argileux, ceux humides et froids de ces immenses plateaux argilo-siliceux qui lient entre eux les bassins des grandes rivières ; le terrain sur lequel la fougère, le petit ajonc, la bruyère, les petits carex blancs, le lichen blanchâtre viennent spontanément ; presque tous les sols infestés d’avoine à chapelet, de chiendent, d’agrostis, d’oseille rouge, de petite matricaire ; celui où l’on ne recueille que du seigle, des pommes-de-terre et du blé noir ; où l’esparcette et la plupart des végétaux de commerce ne peuvent réussir ; où cependant les bois de toute espèce, et surtout les essences résineuses, le pin sylvestre, le pin maritime, le mélèze, le pin Weimouth et les châtaigniers réussissent mieux que dans les meilleures terres ; tous ces sols ne contiennent pas le principe calcaire ; et tous les amendemens où il se rencontre leur donneront les qualités et y feront naître les produits des sols calcaires.

Mais là, plus encore qu’ailleurs, il faut se garder de trop de hâte ; les chaulages, sur une grande échelle, ne doivent se faire qu’après avoir réussi dans des essais en petit, sur plusieurs points de l’exploitation.

Étendue du sol auquel la chaux convient. — Une grande partie du sol français ne contient pas le principe calcaire : les pays primitifs, les montagnes dont la roche n’est pas calcaire, une foule de ceux dont le sous-sol renferme des formations calcaires, la grande et dernière alluvion qui a couvert la surface et qui la compose encore partout où les eaux en se retirant ne l’ont pas entraînée ; toute cette étendue, qui compose au moins les trois quarts du sol français, demande, pour être fécondée, des amendemens calcaires. En admettant qu’un tiers de ce sol reçoive déjà de la chaux, de la marne, des cendres de bois, de tourbe, du noir d’os, des os pilés, il resterait encore la moitié du sol français à féconder, tâche immense sans doute, mais dont le résultat serait bien plus prodigieux encore, puisqu’on verrait croître de moitié en sus tous les produits de cette grande étendue.

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§ ii. — Des divers moyens d’employer la chaux sur le sol.

Trois procédés principaux sont en usage pour répandre la chaux. Le premier et le plus simple, celui qu’on emploie dans la plupart des lieux où la chaux est à bon marché, la culture peu avancée, la main-d’œuvre chère, consiste à mettre la chaux immédiatement sur le sol par petits tas, distans entre eux de 20 pieds (6 m. 30) en moyenne (fig. 45), et contenant, suivant les doses du chaulage, depuis un demi-pied (18 déc.) jusqu’à un pied (36 déc.) cube. Lorsque la chaux, par suite de son