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liv. ii.
CULTURES INDUSTRIELLES : DE LA VIGNE ET DE SA CULTURE.


soit courbé en arc très-fermé, et on l’assujettit ainsi que le cep à un échalas planté au pied de celui ci. Cela s’appelle faire un archet ; à la taille de la cinquième année, on en fait un autre du côté opposé, et, en outre de l’échalas du pied, on en plante un à chaque archet, mais ces deux derniers obliquement, de façon que l’extrémité supérieure vient rejoindre celle de l’échalas du cep, auquel on les lie ; à cette taille on coupe l’extrémité du premier archet qui était enterré, de façon qu’il ne porte plus que 3 ou 4 ployons qui sont ramenés vers l’échalas du milieu auquel on les attache. A la sixième année, on traite le second archet comme on vient de dire du premier. Les années suivantes, on laisse les archets des ployons de 10 pouces environ, auxquels on n’enlève pas de boutons ; on les reploie toujours comme on l’a fait pour les archets en les assujettissant aux échalas. Le cep prend ainsi successivement la forme de quenouille. Le seul inconvénient que nous trouvons à cette conduite de la vigne, c’est que vers la 12e année elle est élevée de 4 pi. à 4 pieds 1/2.

§ IX. — Des engrais et amendemens appliqués à la vigne.

En reprenant l’ordre chronologique des opérations qu’entraîne la culture de la vigne, nous sommes arrivés à l’applicatlon des amendemens et des engrais, selon le besoin qui se fait sentir des uns ou des autres ; car le moment le plus opportun est celui qui suit la taille et l’enlèvement des javelles qui en proviennent ;ce qui a lieu généralement dans la dernière quinzaine de mars.

Il arrive souvent que la terre d’une vigne, qui d’ailleurs peut être pourvue de bonnes qualités pour cette culture, est battante, c’est-à-dire que sa surface se prend et se scelle à la moindre pluie ; ce qui la rend difficile à travailler et la prive de la faculté d’être perméable aux influences bénignes du soleil et de l’atmosphère. Un moyen certain de lui faire perdre ce défaut, c’est de la couvrir ou d’une légère couche de terre chaude, qualifiée ainsi parce que les plantes qu’elle nourrit y atteignent plus promptement leur dernier terme de végétation, ou de tuf ou de terre calcaire, sur l’un ou l’autre desquels cette terre chaude repose ordinairement, et dont l’effet, étant plus énergique, rend moins grande la quantité nécessaire ; mais une matière qui est d’un grand usage et qui est éminemment propre à remplir le but qu’on se propose, est la marne calcaire. La manière la plus avantageuse de les employer est défaire stratifier pendant quelques mois celles de ces matières qu’on aura à sa disposition, avec des couches alternatives de fumier, et de bien les mêler au moment de les répandre sur le sol. C’est en même temps dans ce cas un amendement et un engrais, que la réduction de celui-ci en terreau et son mélange intime avec l’autre disposent à s’assimiler plus promptement aux sucs alimentaires de la vigne.

Un autre engrais-amendement dont nous avons déjà parlé, et qui convient particulièrement aux jeunes vignes, est l’enfouissement des végétaux ligneux, parmi lesquels ceux qui gardent leurs feuilles doivent être préférés ; il a été recommandé depuis longtemps, car il l’a été par Olivier de Serres, et on a lieu d’être surpris qu’il ne soit pas d’un usage plus général. Dans le midi et dans les lieux où l’on peut s’en procurer facilement, on se sert de roseaux ; c’est l’Arundo phragmites dont on a fait choix à cause de son abondance ; dans la même région, on y emploie aussi les rameaux de buis ; dans le centre et le nord, la bruyère et l’ajonc qu’on laisse ordinairement se désorganiser et se consommer dans les chemins, où ils sont pilés et brisés par les charrettes et les bestiaux. Nous avons vu employer avec un grand succès les élagures des jeunes pins, les branches de genévrier, et même de simples bourrées d’épine noire, de bourdaine, d’églantier et de ronces. Nous avons dit que c’était particulièrement dans les jeunes vignes que cet engrais était plus facilement applicable, par exemple la 4e année où l’on peut ouvrir, à côté des tranchées faites et remplies lors de la plantation, de nouvelles tranchées pour les provins qu’on établira sur un lit épais de l’une de ces substances recouvert de quelques pouces de terre.

On conçoit que les varechs dont se servent les vignerons des bords de l’Océan, surtout dans le département de la Charente-Inférieure, et qui ont une odeur forte et nauséabonde lors de leur décomposition, que les immondices et les boues infectes de la capitale, et dont se servent immodérément les vignerons de ses environs, communiquent au vin un goût détestable. — La grande bruyère, les branches de pin, et surtout celles de genévrier, ne peuvent être qu’avantageuses a la vigne, en se mêlant lentement à la terre, la divisant et lui fournissant de nouveaux sucs, sans aucun préjudice pour son fruit auquel chacun de ces végétaux n’envoie par sa décomposition qu’un arôme balsamique, qui se dégage par ses parties les plus subtiles à travers la terre. Ce moyen est d’accord avec l’expérience de tous les temps et de tous les pays ; car les anciens comme les modernes reconnaissent l’efficacité des végétaux enfouis pour revivifier une terre usée, et ont remarqué la facilité avec laquelle les raisins s’imprègnent des diverses odeurs mises à leur portée. On aura soin de se presser d’enfouir ces végétaux aussitôt qu’ils auront été détachés de leur tige ou de leur souche, car c’est surtout dans cet état de fraîcheur qu’une douce fermentation s’établit promptement, et maintient la terre dans un juste degré de chaleur et d’humidité. Nous en avons fait plusieurs fois l’expérience avec un succès qui rend évidens les bons effets de l’emploi de ces matières.

Quant aux engrais proprement dits, ils devront toujours être stratifiés par couches, si ce sont des fumiers de basse-cour, avec de la terre pendant trois ou quatre mois au moins, et bien mêlés au moment de les employer. Malgré mon respect pour Olivier de Serres, je ne déférerai pas à sa recommandation en faveur de la colombine et du fumier de volaille, ne pensant pas que leur emploi