Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/532

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

chaleur de quelques bêtes peut se passer sans avoir été satisfaite, la monte enfin ne s’exécute pas avec la rapidité désirable ; c’est pourquoi l’on préfère dans les grands troupeaux le mode alternatif, et voici comme on l’exécute. On divise la bergerie ou le parc en autant de compartimens que l’on a de paires de béliers, et dans ces divisions on distribue les brebis également, puis dans chacune ou introduit un bélier qu’on y laisse un jour seulement, alors ou le remplace par un autre qui est remplacé à son tour après avoir fait sa journée, de sorte que chacun d’eux agit constamment seul, sans rival, et se présente toujours à la lutte avec des forces nouvelles. De cette façon les brebis trouvent sans cesse près d’elles un mâle plein d’ardeur, et la santé des béliers se soutient bien mieux qu’en suivait toute autre méthode. Préparer les béliers et les livrer alternativement à la lutte, telle est notre 3e règle. Ne pas faire servir à chaque bélier plus de 40 à 50 brebis, voilà la dernière règle, et celle-là n’a pas besoin de développemens. Si l’on a parfois donné 100 et 150 brebis à un seul mâle, c’est qu’on y était pour ainsi dire forcé par la disette des béliers, et cela ne s’est fait que lors de l’introduction des mérinos ; aujourd’hui ce motif n’existe plus, il faut suivre les règles que la raison nous indique. Lorsqu’on surcharge un bélier de brebis, les agneaux qui en proviennent manquent de qualité et de force, beaucoup de brebis n’engendrent pas, et l’on détériore en une seule monte la santé d’un mâle qui aurait duré plusieurs années si l’on n’en avait pas mésusé. Quelle qu’ait été la préparation donnée aux béliers avant la monte, et quoique l’on ait pris soin de les nourrir convenablement pendant sa durée, ils ne supportent jamais cette épreuve sans faiblir d’une manière très-sensible : leur regard perd son ardeur, leur démarche annonce l’épuisement, leurs muscles sont détendus, la fermeté des testicules a disparu ; on voit qu’il est temps de mettre un terme à ce train de vie et qu’une nouvelle séparation est devenue nécessaire pour rétablir leur force et leur santé. De bonnes provendes les auront bientôt rétablis, et alors tous les soins devront être dirigés sur les brebis qui portent en elles l’espoir du troupeau. Pendant la période de la gestation, la santé des mères a besoin d’être attentivement surveillée ; le plus léger accident peut jeter la perturbation dans le développement du fœtus. C’est surtout dans cette circonstance que l’on peut apprendre le prix d’un berger éclairé et soigneux.

SECTION IV. — De la gestation, de l’agnellement et du sevrage.

Les soins que demande la brebis pendant la gestation ont tous pour but d’amener à bon terme un agneau en bon état et de préparer la mère à l’allaitement qui sera nécessaire pour élever son petit : on doit distinguer tous les accidens qui lui causeraint une émotion un peu vive et veiller à ce que le régime qu’on lui fait suivre ne s’oppose point au résultat que l’on espère. La timidité naturelle de la brebis s’augmente encore après la conception et devient tellement grande que tout pour elle est cause d’épouvante ; elle fait alors, pour fuir, des efforts qui peuvent avancer le part d’une manière intempestive, et quelquefois, ses organes intérieurs ne résistant point aux secousses violentes causées par la peur, il s’ensuit un avortement, et le fruit de l’année est perdu. Le berger doit donc redoubler de douceur dans la conduite du troupeau ; il marchera lentement, ne laissant aucune bête éloignée, afin qu’elle ne coure pas avec rapidité pour rejoindre les autres ; il modérera l’ardeur de ses chiens, les empêchant de mordre ou même de poursuivre aucune brebis avec acharnement ; lorsqu’il les lâchera, il fera tout ce qui dépendra de lui pour éviter que les bêtes ne se poussent et ne se serrent comme cela a souvent lieu ; il usera des mêmes précautions à la rentrée, car plus elle s’opérera lentement, moins le flanc des brebis sera froissé. La séparation des béliers que nous avons recommandée plus haut dans leur propre intérêt, doit continuer maintenant dans l’intérêt des brebis pleines : rien de plus despotique que le bélier dans un troupeau, surtout à la bergerie ; sans cesse il change de place pour prendre la meilleure nourriture partout où il la trouve ; il fait ouvrir les rangs des bêtes au râtelier en les frappant avec ses cornes et les force de se tenir à distance respectueuse, et lors même que l’on a rogné ses cornes, les coups qu’il lance à droite à gauche peuvent causer de graves accidens. A mesure que le part s’approche, la nourriture des mères doit devenir l’objet d’une attention spéciale ; la qualité doit en être bonne ; la quantité ne peut être trop forte ou trop faible sans exposer à des suites factieuses. Une nourriture trop abondante, en augmentant excessivement la graisse et la masse du sang, tend à déterminer le décollement du placenta, et occasionne une hémorragie suivie infailliblement de l’avortement : quand on s’aperçoit a la rougeur de l’œil, aux pulsations des artères, que les brebis sont menacées de cette affection morbide (pléthore sanguine), il est nécessaire de pratiquer une saignée qui rétablisse les organes dans leur état naturel. Un semblable effet serait produit par des alimens échauffans, tels que le gland, les gousses de genêt qui activent outre mesure la circulation sanguine. D’un autre côté, il n’y a pas moins de raisons pour éviter la parcimonie qui préside bien souvent à l’entretien des troupeaux : un éleveur doit se dire sans cesse que les brebis après le rut ont besoin de réparer leurs forces et de fournir à l’accroissement de leur fœtus, et s’il se refusait à satisfaire leurs besoins, il agirait certainement contre ses intérêts bien entendus. Ainsi donc il leur réservera dans les champs de bons pâturages, et si le temps était défavorable pour le parcours, il leur ferait distribuer de la nourriture à la bergerie. Les prairies humides, défavorables à tous les individus de la race mérinos, deviennent dangereuses pour les brebis pendant la gestation ; les plantes aqueuses surchargent leurs viscères d’une grande quantité d’eau, provoquent le relâchement et souvent le décollement de la matrice, de sorte qu’à la moindre secousse la gestation est interrompue par un avortement. Ainsi, les deux extrêmes dans le régime alimentaire conduisent au même résultat fatal, à l’avortement : c’est une année de perdue pour la reproduction, et malheureusement des pertes plus graves sont à redouter encore. La mère peut succomber aux maladies qui accompagnent toujours un avortement, elle peut devenir incapable de concevoir de nouveau, et quand elle aura conçu, l’impression que la matrice aura reçue une première fois tendra à se renouveler une seconde et produira un nouvel avortement. Une pareille bête doit être envoyée à la boucherie. Cette dangereuse période a ordinairement une durée de 150 jours ; l’approche de l’agnellement s’annonce 20 ou 30 jours d’avance, par un écoulement d’abord peu sensible, qui va toujours en augmentant, par le gonflement des parties sexuel ; le pis se forme alors, comme disent les ber-