Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, II.djvu/558

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fossés pleins d’eau sont regardés par Olivier comme d’excellente clôtures, lorsque la localité le permet  ; il y trouve l’avantage de former un canal environnant qui peut être empoissonné  ; on doit donner à ces fossés six à sept mètres de large sur deux métres et plus de profondeur  ; il faut relever d’environ un mètre et à pic leur rive extérieure, en empêchant les éboulemens et les brèches par un bâtis en maçonnerie, ou par une plantation d’osiers très-rapprochés  ; la rive intérieure doit être en pente douce, afin que les lapins qui auraient traversé le fossé à la nage pour s’en aller, ne pouvant gravir à l’autre bord, puissent retourner sans danger à leur gîte. Ces fossés permettent en outre de former dans l’intérieur quelques monticules favorables aux lapins avec la terre meuble qui en est extraite, et fournissent à boire à ces animaux. Lorsqu’on veut prendre des lapins de la garenne, on se sert de pièges, de filets ou d’espèces de trappes  ; les filets doivent être tendus vers le milieu de la nuit, entre les terriers et les lieux où les lapins vont pâturer  ; on les chasse avec des chiens et on les laisse renfermés dans les filets jusqu’au jour  ; ceux à ressort doivent être placés aux environs des meules de foin où les lapins se rendent en grand nombre. On pratique aussi de grandes fosses recouvertes d’un plancher au milieu duquel il y a une porte avec une petite trappe  ; ces fosses sont creusées aux environs des meules de foin, ou bien dans les champs semés en turneps ou cultivés pour la nourriture d’hiver. La trappe reste fermée pendant quelques nuits pour ne pas épouvanter les animaux  ; on l’ouvre ensuite pour les prendre, mais on a soin de ne pas la laisser trop remplir, car s’il y tombe un trop grand nombre de lapins et qu’ils y restent quelques heures, ils y sont étouffés, et l’on ne peut plus tirer parti que de leurs peaux. En vidant la fosse dans laquelle ils sont tombés, on doit séparer ceux qui sont en bon état et on les assomme  ; on doit lâcher au contraire tous ceux qui sont maigres. Vers la fin de la belle saison il est utile de rendre cette opération plus générale pour diminuer le nombre des mâles, en n’en laissant qu’un pour six ou sept femelles  ; moins on a de mâles surabondans, plus on sauve de petits, parce qu’ils les détruisent fréquemment. On peut aussi châtrer les mâles à mesure qu’ils tombent sous la main, et les lâcher ensuite dans la garenne  ; par cette opération ils deviennent plus gros, d’un manger plus délicat  ; ils ne sont plus dangereux pour les femelles, pour leurs portées ni pour les autres mâles, tandis qu’ils se livrent entre eux des combats cruels, lorsqu’ils n’ont pas été coupés. Il ne faut employer ni le furet ni le fusil pour chasser dans les garennes forcées  ; l’un et l’autre effraient les lapins et les dégoûtent de leur habitation. On peut se servir de plusieurs autres moyens qui n’ont pas cet inconvénient  ; quelques propriétaires ferment une grande quantité de trous de terriers tandis que les lapins sont en gagnage  ; ils les effraient ensuite pour leur faire chercher une retraite dans d’autres trous pratiqués exprès, et qui traversent les monticules. A l’un des bouts de ces passages ils ont tendu un filet, et par l’autre ils forcent, à l’aide d’une longue perche, les lapins à se sauver et à se prendre dans les filets. D’autres propriétaires suspendent à un arbre un large panier d’osier sur l’endroit où les lapins prennent ordinairement leur nourriture, ou bien sur la place où elle a été accumulée à dessein, et, par le moyen d’une corde qui passe sur une poulie et vient aboutir à un cabinet dans lequel le chasseur est caché, il laisse tomber le panier doucement sur eux, lorsqu’ils ont été rassemblés à l’aide du sifflet ou de la voix, ensuite on les tire un à un par une porte pratiquée latéralement sur le panier, et l’on choisit ceux qu’on veut ôter à la garenne  ; il faut qu’il y ait plusieurs endroits garnis de ces paniers, ou bien qu’ils soient changés fréquemment de place, afin de ne pas effaroucher les lapins. On peut se servir encore d’une grande cage faite en osier ou autre bois, garnie d’ouvertures posées au niveau de la terre, ce qui, par leur forme évasée extérieurement, facilitent l’entrée aux lapins, et les empêchent de sortir par les pointes qu’elles présentent intérieurement ; on y met une nourriture qui leur soit agréable, et, lorsqu’il en est entré suffisamment, on les retire par une porte pratiquée dans le couvercle plein qui le recouvre. Il est une autre disposition de garenne dont les longs succès ont garanti l’avantage ; cette garenne est formée de trois enclos entourés de murs, excepté dans les points par lesquels ils communiquent ensemble. Les lapins, en sortant du premier, qui est très-étendu, et dans lequel ils terrent et se tiennent habituellement pour aller dans le troisième, où la nourriture sèche ou fraîche leur est abondamment fournie, passent dans l’enclos intermédiaire, dont les murs sont garnis inférieurement et à fleur de terre, de pots de grès qui représentent de faux terriers. Lorsque les animaux sont au gagnage, on ferme la porte de communication avec l’enclos des terriers ; ensuite on les effraie ; ils vont tous se réfugier dans l’enclos intermédiaire, et se blottissent dans les pots de grès qui leur offrent une retraite apparente où on les prend sans peine.

§ III. - Des clapiers ou garennes domestiques.

Les clapiers méritent d’autant plus de nous occuper, qu’ils sont à la portée des plus pauvres cultivateurs. Leur forme varie avec les localités. Mais lorsque les lapins sont tenus sèchement, qu’ils sont séparés les uns des autres, et qu’ils sont bien nourris, ils sont toujours disposés à pulluler. La meilleure exposition du clapier est le levant ou le midi ; il est utile qu’il soit entouré de murs et couvert d’un toit qui le garantisse des injures de l’air et des attaques des fouines, des chats et des renards. Lorsque le clapier n’est pas couvert d’un toit, il faut en couronner le pourtour avec des ardoises saillantes à angles aigus et très-avancées en dehors. La fondation des murs environnans doit s’enfoncer à un mètre et demi ou deux mètres, et le clapier doit être pavé ou ferré à cette profondeur, afin que les jeunes lapins ne puissent fouiller la terre et soient arrêtés par cette barrière insurmontable ; il faut y placer des cabanes pour les mères ; ces cabanes doivent être élevées à dix-huit ou vingt centimètres de terre, et être construites en lattes serrées ou en planches fortes qui résistent à la dent des lapins, et laissent entre elles un libre passage à l’air ; leur grandeur doit être de soixante-quinze centimètres à un mètre en tout sens ; le fond doit être plein, soit en plâtre, soit en planches ; il faut lui ménager une inclinaison douce d’avant en arrière, et quelques trous de distance en distance pour faciliter l’écoulement de l’urine ; leur porte latérale doit s’ouvrir facilement et donner un libre passage à la litière qu’il faut renouveler de temps en temps. Chacune de ces cabanes doit être garnie d’un petit râtelier qui les empêche de fouler et de perdre le fourrage ; d’une sébile pour le son et la graine qu’on doit donner particulièrement aux mères nourrices. Un clapier de douze à quinze mètres de long et de quatre à cinq de large peut contenir vingt à vingt-quatre loges, dont deux seront destinées pour les mâles, et deux autres, qui devront être le double des premières, serviront de commun aux jeunes lapins de cinq à six semaines, lorsque leurs forces ne permettent pas encore de courir en liberté dans le clapier. Ce nombre de loges peut être augmenté, si on en met plusieurs rangs les uns au-dessus des autres, en observant d’éloigner les inférieures toujours davantage du mur de clôture, afin que les animaux ne soient pas incommodés par l’urine qui coule des cabanes supérieures. On doit conserver dans la garenne un courant d’air continu, au moyen de croisées grillées. II est bon d’ajouter au bâtiment qui renferme les cabanes une galerie extérieure et ouverte, dans laquelle les lapins puissent aller prendre l’air et s’exposer au soleil ; ils rentrent ensuite dans le grand commun, en passant par des trous ménagés exprès.