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chap. 4e.
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DES ARTICHAUTS ET DES ASPERGES.


bours, Pois, Haricots, Fèves de marais, Lentilles, etc., etc., dont il a été traité dans le Tome premier de cet ouvrage, parce que leurs grands avantages les classent parmi les végétaux agricoles proprement dits. Nous allons parler maintenant de quelques autres plantes qui, plus habituellement confinées dans les jardins, sont cependant cultivées en grand dans quelques localités, et, dans certaines circonstances, notamment aux environs des grands centres de consommation, se recommandent aux agriculteurs par les bénéfices considérables qu’elles produisent.


Section 1re. — Des Artichauts.

L’Artichaut (Cynara scolymus, L. ; en anglais, Artichoke ; en allemand, Artischoke ; en italien, Carcioffo) est une grande plante Mvace, de la famille des Flosculeuses, originaire de Barbarie et du midi de l’Europe.

Elle est cultivée pour les réceptacles de ses fleurs ou têtes, appelés fonds d’artichauts, et qui, atteignant souvent un volume de 4 à 6 pouces de diamètre, sont très-estimés pour manger cuits à l’eau, frits, à diverses sauces, ou mêlés dans les ragoûts. Très-jeunes, on les mange crus à la poivrade. La carde d’artichaut, c’est-à-dire les pétioles du centre des feuilles blanchis, est préférée par quelques personnes au cardon ; les fleurs oui la propriété de faire coaguler le lait.

On connaît plusieurs variétés d’artichauts : le seul cultivé en grand près Paris, et surtout aux environs de Laon, de Noyon et de Chauny, est le gros-vert ou de Laon, de forme conique, à feuilles ouvertes, très-volumineux, très-tendre et très-estimé.

Les artichauts, ayant de longues et grosses racines, doivent être placés dans une terre profonde, fraîche et riche en humus ; aux environs de Laon, ils deviennent superbes dans des portions de marais desséchées dont le sol est du reste très-médiocre. On ne reproduit guère les variétés cultivées de graines, mais bien d’œilletons qu’on éclate aux anciens pieds lorsque les fenilles ont de 8 à 12 pouces, c’est-à-dire vers le 15 avril ; on en trouve de 6 à 12 sur chaque pied ; on conserve les deux plus beaux et on éclate tous les autres le plus près possible de la racine, afin qu’ils soient munis d’un talon. On ne doit planter que les plus forts, pourvus d’un talon d’où sortiront de nouvelles racines ; après avoir nettoyé ce talon à la serpette et raccourci les feuilles à 6 pouces, on plante ces œilletons avant que les feuilles soient trop fanées, dans un sol bien ameubli et bien fumé, en lignes, à 2 pieds 1/2 ou 3 pieds de distance en tous sens, et par touffes de 2 plants placés à 4 pouces l’un de l’autre. Ou les enfonce de 3 pouces en terre à l’aide d’un plantoir ; on ménage au pied un petit creux, et l’on arrose sur-le-champ, opération qu’il tant continuer tous les deux jours, si le temps est sec, jusqu’à ce que les plantes poussent bien.

Si on ne les laisse manquer ni d’eau ni de binages, une grande partie des artichauts produiront dès l’automne, mais tous abondamment au printemps suivant, pour continuer ainsi pendant 3 ou 4 ans, temps après lequel il faut remplacer un plant d’artichauts. — Dès que les tiges sont dégarnies de leurs fruits, il faut les couper le plus près possible des racines.

La culture des artichauts ne demande quelques soins qu’à l’époque de la plantation et pour la conservation des pieds durant l’hiver ; ils restent en terre, et, comme ils sont très-sensibles à la gelée, il faut les protéger dès que les froids sont à redouter : pour cela, on commence par couper les grandes feuilles à un pied de terre, on amasse la terre autour des plantes sans en mettre sur le cœur, et quand les gelées se font sentir, on couvre chaque touffe de feuilles sèches ou de litière, qu’on laisse jusqu’à la fin de mars, mais qu’il est mieux d’ôter à certains intervalles dans les temps doux, afin d’éviter la pourriture. Au printemps, on défait les buttes de chaque pied et on donne un bon labour ; plus tard, comme nous l’avons dit en commençant, on ne laisse sur chaque pied que les 2 ou 4 plus beaux œilletons.

Les têtes d’artichauts se consomment généralement fraîches cueillies ; cependant elles se conservent fort bien durant plusieurs jours, et en hiver, en coupant les tiges de toute leur longueur, ou même arrachant les pieds et les plantant dans du sable au cellier ou dans la serre à légumes, on les conservera fort long-temps et on les verra même grossir.

Le produit d’un champ d’artichauts est assez considérable : les touffes espacées de 1 mètre, l’hectare en contient 10,000 qui peuvent, en moyenne, donner chacune 2 grosses têtes et 6 petites. Leur valeur, en gros et en moyenne, étant de 7 fr. le cent pour les gros et 3 fr. 50 c. pour les petits, on voit que le produit brut d’un hectare peut aller jusqu’à 2,100 fr. Le prix des fonds d’artichauts desséchés varie considérablement : ainsi en 1833, où ils étaient abondans, ils ont valu 60 à 75 fr. le quintal, tandis qu’en 1834, où ils étaient rares, ils ont monté jusqu’à 2 et 300 fr.

Section ii. — Des Asperges.

L’Asperge (Asparagus officinalis, L. ; en anglais, Asparagus ; en allemand, Spargel ; en italien, Sparaso) est une plante à racines vivaces, qui forme le type de la famille des Asparaginées et qui est indigène en France.

De la racine, qu’on nomme griffe ou patte, naissent chaque année de nouvelles tiges qui périssent à la fin de l’été : la consommation de ces tiges, lorsqu’elles sont jeunes et tendres et sortant de terre de quelques pouces seulement, est énorme dans les villes où on les vend par bottes pour manger cuites à la sauce, ou coupées en petits pois. Ainsi, un seul cultivateur près de Londres, M. Biggs, a souvent 40 acres d’asperges, et M. Edmond, près de Deptford, en cultive jusqu’à 80 acres. Les jardins de Mme Casimir Perrier, près du bois de Boulogne, offriront bientôt a Paris les produits de plus de 20 arpens.

Toutes les variétés d’asperges peuvent être ramenées à deux : l’A. verte ou commune et la grosse violette ou de Hollande dont la tête est violâtre ou rougeâtre : c’est à celle-ci qu’appartiennent les asperges si renommées